Suzanne a quinze ans et sort avec Luc, jeune homme fou amoureux d'elle. Pourtant, elle préfère rompre après s'être donnée au premier venu, un américain. A partir de cette aventure d'un soir, Suzanne multiplie les amants, fuit les hommes qui prétendent l'aimer et s'attire l'incompréhension de son entourage, familial et amical. On connaît l'habitude de Maurice Pialat de choisir des sujets extrêmement intimes pour ses réalisations. Ici, il s'agit des souvenirs de jeunesse de sa compagne et co-scénariste. Comme toujours, le film se révèle être un portrait extrêmement dur et aussi profondément lucide des rapports entre les être humains et de l'incompréhension qui peut naître entre eux.
Pialat ne cherche jamais à faire dans la psychanalyse et ne cherche ainsi pas à expliquer le comportement de Suzanne, ni à la juger. Il nous la présente tel qu'elle est, une adolescente paumée qui découvre qu'elle n'arrive pas à faire naître en elle des sentiments assez forts pour quelqu'un. Ainsi, si elle passe de bras et bras, c'est plus pour tenter de se convaincre qu'elle peut aimer un homme. Mais finalement, tout ses essais se solderont par des échecs et sa mère et son frère ne verront en elle qu'une « salope », sans comprendre ce qui se cache derrière son apparente légèreté. On ne saura pas non plus pourquoi elle a quitté puis repoussé à nouveau l'homme qui l'aimait et pour qui elle avait sans doute des sentiments également fort. Peur de se rendre compte qu'elle ne faisait pas erreur sur sa propre personne et qu'elle n'est pas faite pour aimer les autres ? Peur de blesser celui qu'elle aime comme elle blesse ceux qui l'indiffère ? Pialat ne prend pas parti et réussi à tisser un portrait qui semble particulièrement juste de l'incompréhension entre hommes et femmes et des rapports de force entre eux. Ainsi, à plusieurs reprises, Suzanne sera l'objet du désir de plusieurs hommes, plus âgés qu'elle, qui l'abandonneront une fois qu'ils auront obtenu ce qu'ils voulaient.
A nos amours, c'est aussi et avant tout la découverte d'une actrice extraordinaire, Sandrine Bonnaire, qui illumine le film de sa présence. A la fois fragile et forte, au sourire ravageur, elle rend son personnage terriblement attachant et parvient a lui donner une forte de légèreté qui n'est pas pour autant vacuité. Ainsi, son sourire éclatant dissimule une tristesse retenue qui rend ce personnage et l'interprétation de Bonnaire bouleversante. A ses côtés, on oublie trop souvent de citer Pialat acteur, dans le rôle du père, personnage assez ambiguë mais attachant et qui au final, est le seul à cerner un peu sa fille malgré ses mots très durs prononcé d'une voix suave et douce. Je serais plus réservé quant à l'interprétation de la mère, un poil trop hystérique et sur la présence de l'insupportable Besnehard, même si cela colle assez à son rôle de grand frère.
A nos amours est donc la prise de conscience d'une jeune femme de sa difficulté à aimer et par la même une illustration des rapports de manipulation entre les êtres, avec ses hommes cyniques profitant du mal être de Suzanne pour coucher avec elle, l’enfonçant un peu plus dans sa solitude. Impossible aussi de ne pas y voir une magnifique déclaration d'amour du cinéaste pour sa compagne en mettant en scène ses souvenirs de jeune femme sans juger, sans prendre parti, mais en faisant preuve d'une immense subtilité et humanité.
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