Alamo
7
Alamo

Film de John Wayne (1960)

Alamo et les idées américaines

Revu hier Alamo de John Wayne. Au-delà des interprétations trop prévisibles d’un hymne sudisto-nationaliste parce que Wayne ne saurait faire autrement, il s’avère que ce film révèle comme beaucoup de westerns de cette époque les idées générales qui constituent la/les politiques US depuis le 19ème siècle. Ce n’est donc pas à prendre comme une reconstitution exacte de la réalité (nombre d’« erreurs » historiques), mais comme un symptôme intéressant et révélateur. Au-delà, évidemment, de l’œuvre d’art que Alamo constitue, au point de vue mise en scène, montage et distribution extraordinaire. De ce point de vue on notera que la présence de Widmark offre peut-être une caution de gauche (à l’américaine) au film ?
Pour en revenir à l’expression des idées, elle passe par le regard que le film porte sur les actes : les idées n’ont pas de valeur si elles ne sont pas suivi d’actes, dans ce pays où fait loi la devise chrétienne : « vous serez jugés selon vos actes », bien rappelé par le personnage joué par Julie London dans The Wonderfull Country de Robert Parrish). Les idées donc :
- une solidarité dont les fondements sont l’amour de la terre et la connivence culturelle, qui entraine à l’intervention en dehors de son propre territoire : Davy Crockett vient avec ses « troupes » de son Tennessee pour soutenir des rebelles (une notion historiquement forte aux USA du Sud puisque la Sécession du Sud quelques décennies plus tard sera aussi considérée par le Nord comme une rébellion). Cette idée, qu’elle soit réelle ou simple prétexte, a pu servir dans nombre d’interventions américaines en dehors de son territoire dans toute son histoire.
- le mensonge d’état, fort à l’honneur ces temps-ci, et qui revient ouvertement et fortement dans le film puisque le commandant du fort admet mentir sur les renforts pour retenir ses troupes, mais également Crockett qui a manipulé ses trappeurs pour les faire venir sous prétexte de chasser… Tout cela est énoncé dans le film, ce qui lui donne une dimension critique inattendue.
- l’action politique liée aux intérêts personnels (économiques) au travers du personnage de Jim Bowie. Dans la réalité Bowie n’était pas une personnalité sympathique à des yeux démocrates : spéculateur, trafiquant d’esclaves (alors qu’ici on le voit franchiser son domestique noir)… et dont la mort à Alamo n’a peut-être pas été aussi héroïque que ce qui est montré dans le film : mais de fait, est-elle si héroïque que cela ? Ce qui correspond assez à ce qu’a pu être finalement l’appropriation des états espagnols puis mexicain par les États-Unis… (Californie, Nouveau-Mexique, Texas, Arizona, Nevada, Utah, une partie du Colorado et du Wyoming… 40% du Mexique, une belle opération). Cette présence des intérêts personnels est attestée dans les deux camps en présence, par le personnage du spéculateur pro-mexicain qui souhaite épouser Flaca pour s’accaparer ses terres et au besoin retourner sa veste si les Texans gagnent la guerre… Tout le cinéma américain cultive ce motif, en particulier le cinéma de genre, mais contrairement au film noir, le western, seul genre spécifiquement américain, en fait souvent une donnée positive, facteur de progrès. À l’exception très ambiguë toutefois des films pro-sudistes, très nombreux dans les années 50, dont un exemple peut être le très beau Three Violent People (Terre sans pardon), de Rudolph Maté, 1957, avec Charlton Heston et Anne Baxter, dénonçant la connivence entre les spéculateurs (les fameux carpetbaggers) et le gouvernement nordiste.
D’une façon générale le western, même s’il s’éloigne très souvent de la vérité historique, n’en révèle pas moins beaucoup de l’histoire américaine, au-delà des récits, par les caractères des personnages, les idées en œuvre, les questions historiques rappelés qui le sont souvent seulement au cinéma. Ainsi, seul le western remarque et insiste sur la présence des Français dans l’Amérique du 19ème siècle, présence qui était forte dans la réalité et que des films comme The Big Sky (La Captive aux Yeux Clairs) d’Howard Hawks, et bien d’autres, rappellent. Mais c’est une autre question.
JF_ROBIC
6
Écrit par

Créée

le 26 août 2013

Critique lue 834 fois

1 j'aime

JF_ROBIC

Écrit par

Critique lue 834 fois

1

D'autres avis sur Alamo

Alamo
Ugly
8

Une fresque grandiose et épique

La résistance acharnée de Fort Alamo est l'une des pages glorieuses de l'histoire des Etats-Unis, elle permit à 185 hommes déterminés de tenir tête aux 7000 soldats du général Santa Anna en 1836,...

Par

le 3 févr. 2017

25 j'aime

43

Alamo
Torpenn
7

Camerone dièse

Alors que le Texas est Mexicain, que les fusils fonctionnent encore avec des cornes à poudres et que Davy Crockett a échoué à se faire réélire une fois de plus député de son Tennessee natal, la...

le 29 oct. 2012

24 j'aime

15

Alamo
Docteur_Jivago
9

Remember the Alamo !

Version Longue : Si, durant sa carrière, John Wayne s'est souvent intéressé, voire investi, à la réalisation, il n'a signé que deux mises en scène. Sa première, Alamo, où il est bien aidé par John...

le 28 août 2018

23 j'aime

4