Prix du premier film au Festival de Los Angeles en 2012, Alda et Maria de Pocas Pascoal dresse le portrait d’un exil douloureux, celui de deux sœurs fuyant leur Angola natal pour rejoindre Lisbonne. Précédé d’une très belle rumeur critique au Festival de Locarno, le film déçoit d’abord, avant d’enthousiasmer dans sa deuxième partie.

Début des années 1980 : à la suite de l’indépendance de l’Angola, une guerre civile éclate, forçant une partie de la population à quitter le pays dans l’urgence. Cette tragédie, c’est le point de départ d’Alda et Maria, mais c’est aussi l’histoire de la réalisatrice Pocas Pascoal, arrivée à 16 ans – accompagnée de sa sœur – au Portugal dans des conditions analogues. Largement autobiographique, Alda et Maria est conditionné, dans sa première moitié, par une forme de renoncement au romanesque, une narration sèche – consistant en une succession de scènes du quotidien –, et une mise en scène discrète, où prime la recherche de réalisme. Mais le témoignage des deux sœurs, bien que poignant, s’essouffle vite, tant il ne donne lieu, dans la première partie du film, qu’à une succession de séquences attendues, sous le seul angle socio-politique. Éprouvées par le racisme, l’injustice ou l’insécurité ambiante, elles errent dans les quartiers désolés de la ville, où les scènes tenues par une poignée d’enjeux certes essentiels (où dormir ? que manger ? comment trouver de l’argent ?) se répètent et l’ennui s’installe. Pour de bon ?

Non, car si Pocas Pascoal esquisse bel et bien une critique de son pays d’adoption, elle finit par se raviser, consciente que le cœur de son sujet n’est pas là. Comme si, en cours de tournage ou d’écriture, elle affinait son geste, trouvait son rythme et le recul nécessaire pour raconter une histoire aux accents universels. Dans un basculement progressif (lié à la découverte de l’amour par l’une de ses héroïnes), le film quitte l’amertume du manifeste politique pour un récit initiatique doux-amer, offrant ainsi ses plus beaux moments. Alda et Maria, bien qu’en exil, sont avant tout deux adolescentes aux préoccupations de leur âge. A l’inverse des films qui racontent « une petite histoire » pour figurer la grande, Alda et Maria emprunte le chemin inverse, partant d’un drame collectif pour déboucher sur l’intime. C’est sur cette très belle idée que le film s’achève, au carrefour d’une petite route de campagne – Alda et Maria doivent faire un choix, rejoindre l’Angola pour retrouver les leurs – mais aussi la guerre – ou rester en Europe, et vivre leur vie, enfin.
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le 2 févr. 2015

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