2013, les Etats-unis comptaient 30.000 morts par armes à feu par an. En ayant en tête un tel chiffre, difficile de voir le pitch de The Purge et de sa séquelle comme de la science-fiction. En refusant d’interdire le port d’arme, en se cachant derrière un amendement d’un autre âge, ainsi que derrière la puissance du lobby de la NRA, les institutions états-uniennes donnent à leurs citoyens non pas une possibilité de tuer un jour précis, mais à longueur d’année. Dans certains états, comme en Floride, il est même légal de se faire justice soi-même. On s’étonnera peu d’observer que, comme dans la franchise American Nightmare, les principales cibles sont les plus démunis. De façon cynique, cette culture de la violence et du meurtre est un moyen supplémentaire de se prémunir d’hypothétiques révoltes collectives. Au plus fort de la crise financière, les traders, à Wall Street, allaient travailler en gilet pare-balle. Ceux qui le peuvent se réfugient, aujourd’hui, dans des cités privées sous surveillances électronique et paramilitaire.

Le concept de The Purge se veut donc le miroir grossissant d’une réalité, la vision satirique d’un territoire dont la violence ternit l’ambition, à l’état de fable à vrai dire, d’état moderne et progressiste. Au-delà de la critique elle-même, que certains trouveront facile, le premier opus jetait également un regard noir sur la famille et fustigeait le patriarcat. Sans être révolutionnaire, cette petite série B se révélait jouissive sur ce point. Car The Purge était avant tout, pour James de Monaco, un nouveau remake d’Assault on Precinct 13 de John Carpenter (qui ressort cette semaine en salles, et qu’il faut absolument voir). Nouveau, car le cinéaste avait déjà, auparavant, produit un remake réalisé par Jean-François Richet. Si le film pouvait, de la part de Monaco, s’envisager comme un hommage, The Purge semblait, lui, une tentative de tuer le père, de passer à autre chose. Au sens propre comme figuré, The Purge était un parricide. Ce nouvel opus est donc pour le réalisateur un moyen de montrer ce dont il est capable, détaché désormais de sa fascination pour Carpenter.

Force est de constater que le compte n’y est pas, American Nightmare échouant à exploiter le territoire qu’est la ville. Spécialistes du film en huis-clos, le producteur Jason Blum et son réalisateur sont incapables de donner vie au décor. C’est d’autant plus dommage que l’on sentait chez Blumhouse une certaine lassitude à filmer l’intérieur, une envie de s’aérer. En offrant une intelligente histoire de l’horreur au cinéma, tout en s’interrogeant sur le sens de ces images, Jason Blum faisait de « la maison » un véritable kinétoscope. Pensant sans doute qu’il en avait fait le tour, The Purge orientait sa réflexion vers un positionnement politique plus qu’analytique. Que penser, alors ? Qu’en quittant la maison, le système Blumhouse risquait de s’effondrer ? C’est à craindre, en effet, à la vision de The Purge: Anarchy. Quant à James DeMonaco, on le sent toujours hanté par son maître, Carpenter. Or, là où, par son utilisation du cadre, il tirait en huis-clos son épingle du jeu, il semble nettement fragilisé à l’extérieur, et c’est avec un certain malaise que l’on repère les maladroites citations à Invasion Los Angeles, Ghosts of Mars et, évidemment, Assaut.

Critiqués pour la facilité de leur tableau de la politique pro-armes des Etats-Unis, les deux compères ne cherchent même pas à approfondir, étoffer ou affiner leur réflexion. Plus que d’anarchie, c’est ici de confusion (politique) qu’il s’agit. A travers l’image de l’horreur, Jason Blum, aidé d’un cinéaste chevronné, avait su s’interroger sur celle-ci en tant qu’outil de propagande. Dans American Nightmare 2, il ne s’agit plus que d’icône. Ainsi, ce leader noir sortant d’une mauvaise parodie du très ironique Los Angeles 2013 et appel à la résistance en mode Black Panthers. Mais le cinéaste n’en fera rien, ne cherchera pas à donner un peu de consistance à ce noyau de révoltés, ni d’ailleurs aux diverses tribus peuplant la ville (suprématistes blancs dotés de moyens paramilitaires et affublés d’un chef psychopathe, clan des 1 % de nantis payant pour qu’on leur livre des victimes prises dans la ville, mercenaires à moto, dont le but est davantage l’enrichissement que le meurtre). Dans l’ombre une bonne partie du film, cachés sous des masques ou des maquillages et très souvent muets, ces protagonistes s’avèrent pourtant les plus marquants. Il faut en effet s’arrêter brièvement sur le casting, qui dans l’ensemble, laisse entrevoir un accident industriel. La « petite famille » qui se recompose ici se dote d’un leader loin d’être charismatique, interprété par l’acteur le plus mauvais de la distribution. On notera à ce propos que l’idée de la déconstruction familiale et la désacralisation de la figure patriarcale, qui faisaient toute la saveur du premier opus, sont ici abandonnées. Ne restent alors plus que des ombres, celles des mercenaires aux visages masqués, seules figures notables d’American Nightmare 2.
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le 28 juil. 2014

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