cowboy du village mondial
En allant voir "American sniper" j'ai retrouvé Clint Eastwood, que j'avais laissé avec le très humain "Gran Torino". Humain, je crois que c'est le meilleur qualificatif pour les films d'Eastwood. Comme ses scenarii et ses personnages, faibles et forts alternativement, complexes et attachants, ni meilleurs ni pires que chacun d'entre nous. Ni ce dernier opus, ni Chris Kyle, le héros, ne me semblent échapper à cet angle de vue. Bien sûr le film a les défauts de son personnages en ce qu'il ne remet jamais en cause la légitimité de l'intervention US en Irak. Mais ceux qui croient aller voir un brûlot impérialiste où l'on "tue des bougnoules" en seront pour leurs frais. Eastwood est depuis longtemps plus fin que cela. Certes le film est centré sur le vécu des marines (et des SEALS), mais pas plus que" Full Metal Jacket" de Kubrik, "né un quatre juillet" de Stone, "le jour le plus long" ou la 317ème section de Shoendorfer et "l'armée des ombres" pour les français.Ce n'est tout simplement pas son propos et, comme tout film témoignage, il ne pouvait se permettre cette ambivalence.
Au film de Stone, il emprunte d'ailleurs la description du parcours qui mènera Kyle à s'engager et le difficile retour au pays. A kubrik, il reprendra la phase de formation des soldats (le parallèle frappant est peut-être une des plus grandes faiblesses du film) et les premiers engagements en milieu urbain. Mais si Eastwood ne se montre pas avare de compassion vis à vis des forces américaines, il ne nous économise pas non plus les doutes de son héros au moment de shooter des cibles dérangeantes. Réalistes ou pas, les pratiques insoutenables des "résistants" irakiens balayent vite les doutes et les remords, ceux de Kyle comme les miens, rendant ce film plus éprouvant qu'émouvant.
La légende (le surnom de Kyle auprès de ses camarades) n'en sort pas indemne (cet aspect des choses, son retour auraient mérité un traitement plus profond, voire explicite); nous non plus.
Encore une fois, difficile de dire qui sont les gentils et les méchants, qui on doit admirer et qui on doit haïr. A l'instar de "impitoyable", ce film m'a balladé d'une identification à l'autre et de sympathie en sympathie m'a accompagné vers un regard compatissant et inconfortable porté sur mes semblables. C'est le grand talent d'Eastwood et c'est pour ça que j'irai sûrement voir son prochain film. Vivement !