On savait Eastwood conservateur, mais à ce point là… American Sniper est, plus qu’une ode à la gloire des Etats Unis, un appel à la haine envers les peuples du Moyen Orient. L’histoire est certes basée sur un « héros » américain, le sniper Chris Kyle, mais cela n’obligeait pas à déshumaniser totalement les Irakiens. On ne peut nier les actes barbares perpétrés par les membres d’Al Qaida, mais dans ce cas là, le spectateur peu informé peut aisément généraliser à l’ensemble de la population. En effet, les irakiens sont dépeints comme des monstres sans aucune moralité : ils envoient leurs femmes et leurs enfants lancer des grenades sur les gentils marines, ce qui a pour conséquence de générer des monstres dès le plus jeune âge, qui se précipitent ensuite pour jouer avec des bazookas, obligeant presque le sniper à leur tirer dessus, oh les méchants. Ils sont aussi très sournois, car celui qui invite le groupe de snipers à manger dissimule en fait tout un tas d’armes, et n’hésite pas à s’en servir contre eux, malgré le bon repas partagé. Le seul honnête, qui balance le vrai nom du boucher, n’est au fond qu’un être cupide car il demande plein de sous en échange aux gentils américains. Ha oui, on pourrait aussi croire qu’ils sont cannibales, comme l’a demandé le gosse de 8 ans devant moi à son papa, car ils dépècent quand même des Blancs dans des chambres froides et gardent des têtes au congélo au cas où. Enfin, le sniper ennemi, champion olympique de tir, est l’anti héro par excellence, car il est très doué lui aussi, sauf qu’il tue des gentils marines (dark side of the moon). Le parallèle entre eux est juste caricatural et moralisateur, notamment dans la mise en scène de leur « obsèques » : le sniper ennemi gît tout seul sur son toit au milieu d’une tempête de sable, accentué par une contre plongée qui l’écrase encore plus qu’il ne l’est, alors que Chris Kyle est lui pleuré par l’Amérique entière, ce héros.
Eastwood sait ce qu’il fait et le fait bien : le scénario, classique mais bien ficelé, montre l’ascension sociale d’un bouseux en héros national, en n’omettant pas son histoire d’amour et la création d’une petite famille toute mimi dans une paisible banlieue, tout cela entrecoupé par les épisodes de guerre où Chris Kyle s’illustre dans toute son ambigüité. Tout y est, avec les frères d’armes qui meurent sauvagement terrassés devant ses yeux, et le désir de vengeance qui les mènent tout droit dans une embuscade, qui se finit dans une immense tempête de sable, avec bien sûr la disparition une poignée de seconde de la Légende dans le sable. Bref, tout ça plus le retour impossible, fait inhérent à tout héros, puis sa mort hors champ, expliquée par un petit texte (parce que bon on tue pas une légende quand même) cela fonctionne au niveau du film et permet l’identification de la part de l’occidental moyen. Donc finalement on se sent plus concerné par la pauvre femme qui ne reconnait plus son mari quand il rentre de cet horrible pays que par la pauvre femme qui a vu son gamin trucidé par une perceuse puis son mari se faire abattre juste après. Je savais bien en y allant que ça n’allait pas être un film pro-djihadiste, mais on en ressort vomissant de l’américain, car tant de manichéisme est écœurant, , apparaissant même comme une espèce de justification du fiasco des années Bush Junior, diabolisant encore plus les peuples du Moyen Orient. On peut donc se demander si, dans le contexte actuel, un film comme celui était-il vraiment nécessaire ? Peut être que papy Eastwood, laissant derrière lui quelques chef d’œuvres, devrait maintenant se décider à laisser la place aux jeunes.