Au-delà de la punchline "le meilleur du ciné indépendant américain", ponctuée d'un petit Grand Prix à Sundance, qui fait lever la perche d'une salle entière de rédac' à Libé, American Splendor, c'est quoi les verts mifuges ?

C'est tout d'abord un titre, excellent, qui peut dans un premier temps nous conduire éhontèment l'esprit vers cette géniale crapule de Sam Mendes mais qu'il faut bien attribuer à Harvey Pekar, impobable auteur de comics-phénomène aux USA. Là, vous commencez à sentir le vent du boulet, ou plutôt le vent du biopic : jakcpot.

C'est donc ensuite un biopic, tourné avec le divin assentiment de Pekar qui se paie le luxe de tourner dans des scènes succulentes, où il part en narration voix-off "classique", avant d'être rattrapé par un jeanpierrebacrisme aigu et de lâcher des commentaires, principalement sur le choix de casting de Paul Giamatti, "qui ne lui ressemble pas du tout". C'est indéniable.

C'est alors clairement un film avec Paul Giamatti, vous savez, ce mec dont on connaît la tête, le début de bedaine, le début de calvitie, le début de notoriété... Mais jamais la suite. C'est ce technicien du Truman Show, là, qui mange des pizzas... C'est surtout ce putain d'acteur. Un mélange nuancé d'hystèrie masculine funèsienne, d'effacement charismatique à la Sal Mineo, et donc ce jeanpierrebacrisme sous-jacent. Avec des nodules à la gorge, ce qui ne gâche rien. Mais cette performance, aussi magistrale soit-elle (notez aussi la touchante composition de Hope Davis en Giamatti-girl et la participation croustillante du myhtique Judah Friedlander de 30 Rock en sidekick autiste), ne fait pas tout le sel de la motion picture, loin de là.

C'est donc forcèment un film d'auteur. Un auteur qu'on pourrait croire être Woody Allen, passé à l'Ouest (enfin... à Cleveland), shooté aux BDs, dysphonique mais toujours kasher. Perdu, l'entité derrière la splendeur américaine se nomme "Shari Springer Berman and Robert Pulcini", dont la page wikipedia vous renseignera sur leur passé dans le documentaire tandis que je me chargerai de l'étude de leur script.

C'est, enfin, une oeuvre ambitieuse. Comme son étrange inspirateur et sujet d'étude, qui à travers des comics centrés sur son nombril et des passages énervés chez Letterman, touche du doigt la déconstruction du mythe américain, les deux réalisateurs font mine de nonchalemment se "contenter" d'une typique comédie-dramatique indie, mais lui revêtent en douce les oripeaux de la sincérité (dûment invoqués par Pekar himself, martelés plusieurs fois à l'écran). Un regard simple, sans pitié ni cruauté sur les quartiers sans charme de Cleveland, sur les employés administatifs des archives hospitalières, sur les quadras célibataires qui vivent avec leur chat et leurs finalement promises hypocondriaques aux lunettes rondes à la mode dix ans trop tard. Une collaboration main dans la main avec Pekar et l'autre paluche qui dresse pendant ce temps son portrait. Un humour juif new-yorkais sans le new-yorkais, ce qui vaut le détour croyez-moi.
C'est une pellicule qui transpire autant le soda-pop et les burgers trop gras que le talent de ses éminences grises.
lucasstagnette
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le 29 août 2013

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Lucas Stagnette

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