Et surtout, qu’est-ce que le film dit de son époque ?
A priori pas grand-chose, puisque le film ne s’intéresse qu’à des jeunes plus ou moins bourgeois parisiens cools. (Mais ce serait idiot de le reprocher au film, qui s’inscrit volontairement exagérément dans le genre de la comédie romantique)
Le vrai problème de ce film, qui l’empêche de se tenir à une idée cohérente et de la développer, c’est peut-être la multiplicité des scénaristes. Si bien que le film multiplie les pistes (comme celle de la maladie de la mère, qui n’apporte pas grand-chose au film) et oscille entre plusieurs formes (il semble y avoir la tentation du film à sketches, comme la scène de l’ecstasy, qui n’est pas poussé suffisamment loin pour valoir davantage que des simples parenthèses dans le récit). Aussi, le dilemme de Vincent ne tient pas, et coûte cher à la vraisemblance de l’intrigue : le spectateur se demande pourquoi diantre n’avoue-t-il pas à Julie qu’il a promis à sa coloc qu’il ne retomberait pas amoureux ? cette confession ne lui coûterait presque rien et résoudrait la moitié de ses problèmes. (On nous fait certes croire qu’il y a des sentiments plus complexes qui unissent Vincent et Néféli… mais finalement, il semblerait que non)
Mais ce sont finalement ces défauts, et les qualités du film, qui lui donne plus souterrainement une tonalité singulière.
En effet, ces défauts ne sont peut-être pas : la légèreté de l’intrigue et du dilemme est raccord avec la frivolité des enjeux du récit, qui donne au film l’allure d’une chronique sur des choses qui n’ont pas d’importance. Pas d’enjeux politiques, sociaux, moraux, existentiels : le film assume le deuil des grands sujets, auxquelles les comédies romantiques essaient souvent de se raccrocher tant bien que mal.
Le personnage de Vincent, passif et indolent, l’illustre : le héros d’aujourd’hui subit les choses mais n’en souffre pas vraiment, il est spectateur d’une existence ni heureuse ni malheureuse, sans réaction de sa part. Il fait face, mais sans enthousiasme.
Le personnage joué par Jonathan Cohen est plus intéressant, plus juste sur quelque chose de notre époque, comme dans Serge le mytho : lui ne parvient pas très bien à faire face, et sa légèreté peine à cacher sa solitude et un certain désespoir.
En revanche, le film n’est pas très bon sur les deux personnages féminins, qui n’existent que dans leur relation à Vincent, et réduites à être des réservoirs de bonne humeur et de jovialité, comme si la complexité et la nuance étaient réservées aux personnages masculins. Pourtant, Néféli a quelque chose de tragique qui est juste suggéré : sa vie n’a aucun sens, et elle semble s’en rendre compte de temps en temps, avant de chasser cette prise de conscience.
Les scènes loufoques, étranges comme la dispute cartoonesque entre les Julie et Vincent, ou la scène où Vincent repasse, si inintéressante qu’elle étonne, sont de vrais bons moments. Ce ton fabuleux (au sens : de la fable) désamorce le sérieux et la gravité.
Et c’est peut-être ça, l’esprit du temps : ne pas savoir quoi faire du sérieux et du grave, et finalement l’oublier, tout en le montrant en sous-marin.