Mike Leigh fait partie des réalisateurs tenant de ce qu’on pourrait appeler le cinéma social européen, avec Ken Loach, les Dardenne et quelques autres. A travers des tranches de vie quotidienne de gens tout ce qu’il y a de plus ordinaires, dans des situations tout ce qu’il y a de plus ordinaires également, il s’efforce de nous peindre ici l’époque de la vie où l’on reçoit son courrier de préparation à la deuxième partie de carrière, voire quand on a eu le temps d’oublier qu’on avait reçu cette lettre et d’envisager la 3e partie : la retraite.

Pas de misérabilisme ici, le couple au centre du film est plutôt heureux et épanoui à la fois dans sa vie professionnelle et personnelle. Par contre les amis, d’où qu’ils viennent, sont parfois en souffrance et c’est la dichotomie permanente entre le couple et les naufragés qui s’accrochent à eux qui créée le mouvement, mais aussi des situations parfois belles, souvent tristes voire glauques.

En effet, la vie de nos héros peut sembler calme et apaisée, vivante en même temps, mais d’aucuns pourraient la trouver chiante comme la mort, réglée, organisée… Another year donc, au rythme des saisons parle d’un cycle immuable dans la vie de nos héros.
C’est la venue de ces amis un peu en vrac qui donne corps à l’histoire : la secrétaire paumée dans sa vie amoureuse et sentimentale au point de faire une fixette qui tourne à l’obsession sur le fils unique du couple, le vieux pote alcoolique et à l’obésité quasi-morbide prenant conscience de façon parfois cruelle du point ou il se situe désormais, beaucoup plus proche de la fin, et avec des satisfactions de plus en plus éparses dans sa vie. Enfin, l’arrivée du frère du mari d’une ville industrieuse du nord suite au décès de sa femme achève de peindre un tableau doux-amer dans lequel le trentenaire que je suis peux apercevoir une partie du futur qui l’attend, avec ses côtés attendrissants et ses écueils.
Ce qui ressort, et tant qu’à traîner mes guêtres du côté de l’auto-analyse, ce qui me rassure surement, c’est que l’apaisement des passions et des révoltes se vit d’autant mieux que l’esprit accompagne la décrépitude du corps par la compréhension, la culture et l’expérience, en deux mots, la sagesse.

Beau film, évitant la majorité des icebergs qui l’attendaient joyeusement sur la route, interprété de façon tout à fait convaincante. On pourra toujours pinailler sur la mise en scène qui est tellement discrète qu’elle semble parfois presque inexistante, mais au final elle ne gêne pas la compréhension du film et ne plombe pas les moments importants.
CorwinD
7
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le 27 sept. 2014

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CorwinD

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