Sortie discrètement dans les salles françaises, Assassination Nation est la deuxième réalisation de Sam Levinson. Malgré un retour critique positif, notamment lors de sa projection dans divers festivals, l’œuvre est un échec commercial.
L’auteur nous place aux côtés d’un groupe d’étudiantes habitant dans la tristement célèbre ville de Salem. La localité va subir les affres d’un hacker déterminé à révéler aux grands jours la vie intime des concitoyens. La quête du responsable de ces actes va mettre les habitants dans un état de psychose extrême.


En prenant ce socle scénaristique, le réalisateur propose une relecture moderne de la chasse aux sorcières afin de mettre en exergue les maux de notre société. Chaque strate de la communauté se retrouve face à son identité mise à nu et doit ainsi affronter le regard d’autrui.
On aurait pu s'attendre à ce que ces événements amorcent une prise de conscience sur l’hypocrisie ambiante au sein de la communauté. Il en résultera finalement le renforcement de la pensée unique, conservatisme et égocentrique.
En parallèle de ce fil rouge, nous suivons le quotidien de notre quatuor. Chacune d’elle fait face à des problématiques propres à leur âge et notre époque. Elles n'aspirent qu’à vivre selon leurs envies. Elles se confronteront aux dogmes établis autant au sein des confréries étudiantes que dans notre société. Le paternalisme, la masculinité toxique, l’éducation sexuelle à travers la pornographie, le rejet de la différence sont autant d’obstacles rencontrés au sein de leur parcours.


L’auteur réussi à développer ces sujets tout au long du récit sans desservir la dynamique de son œuvre. Au contraire, ces problèmes sont le moteur même de l’histoire. Elles sont présentes à travers la galerie des personnages et leurs comportements. Loin de tomber dans de longs monologues moralisateurs, Sam Levinson privilégie l’échange et l’action pour mettre en exergue ces agissements néfastes et leurs conséquences.


Outre ses qualités scénaristiques, le metteur en scène opte pour une réalisation dynamique afin de mieux capter l’énergie se dégageant de ses protagonistes.
Le choix des couleurs, des lumières permet de créer une atmosphère en fonction des situations décrites. Lorsque le groupe est réuni, l'ambiance cosy décuple le côté intimiste des liens qui les unissent. L'impact de la confrontation avec le Monde en dehors de leur microcosme s'en retrouve décuplé.

De même, la variété de la mise en scène permet de maintenir l’attention du spectateur autant qu’à s’adapter aux événements vécus. La réalisation est constamment au service de l’émotion. Sur ce point, l’introduction sous forme de compilations des événements à venir est un choix périlleux mais captivant.


En somme, Assassination Nation est une œuvre mouvante. Elle se présente dans un premier temps comme un teenage movie dramatique pour se transformer lentement en thriller anxiogène. Le hacker est le Corbeau d’antan. En mettant à nu la communauté, il devient l’ennemi à abattre pour protéger la quiétude hypocrite de la ville.
Ce glissement de genre nous amène vers un final cathartique marqué par un home-invasion en plan-séquence magistral. L'incursion dans ce microcosme est autant éprouvante que jouissive. L’auteur met en évidence les fractures de notre société et l’affrontement qui se joue entre la pensée réactionnaire et patriarcale face à celles et ceux qui en subissent les oppressions.
Le long-métrage est forcément clivant tant par son parti-pris que par son approche. Il est une belle ébauche des thématiques qui seront plus longuement développées dans son projet suivant : Euphoria.

tzamety
7
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le 7 oct. 2020

Critique lue 58 fois

tzamety

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