Honnêtement, je ne pensais pas écrire de critique sur ce film. Cependant, étant pianiste, le sujet du film me touche et... il fallait que j'en parle.


Les premières minutes du film sont presque magiques : sans dialogue aucun, on voit Mathieu jouer sur un piano égaré dans une gare. Les gens s'approchent, des regards s'échangent, le temps est comme suspendu... puis soudainement des policiers arrivent et s'enchaîne une course poursuite entre eux et Mathieu : pas besoin de dialogues ni d'explications, le cadre est tout de suite installé et nous entrons brusquement dans la vie de ce caïd de banlieue au talent pianistique exceptionnel.


J'ai aussi beaucoup aimé la scène du cambriolage, où Mathieu, entrant par effraction dans une maison de riches avec un comparse, tombe sous le charme d'un piano à queue se trouvant là et y joue : là aussi nous pouvons voir non seulement la passion totale de Mathieu pour le piano, mais aussi tout son désintérêt pour le monde de la rue dans lequel il est né. On comprend qu'il n'a pas choisi de jouer du piano : c'est un besoin vital, obligatoire.


Malheureusement, cette scène est la dernière bonne scène du film, et elle se trouve dans les 20 premières minutes.


Le reste du film est porté par un scénario d'une banalité sans nom, même sans l'avoir vu vous pouvez prédire le déroulement et la fin du film (essayez pour voir, je vous dirai si vous avez juste). Là où le tout début du film avait dégagé une magie et une passion qui m'avait presque touché, le reste du film est vide, il fait son boulot de feel-good movie et sans plus.


Oui, ce scénario est représentatif de tous ces films qui avaient de belles idées, de bonnes intentions de départ, mais qui au final, choisissant la facilité, se noient dans le scénario de feel good movie classique que l'on a déjà vu un milliard de fois (par exemple, la fameuse scène où l'un des proches du héros est emmené à l'hôpital ce qui empêche le héros de faire quelque chose d'important, et où au final la mère ou le père du héros se tourne dramatiquement vers leur enfant en leur disant "vas-y, je lui dirai pourquoi tu n'étais pas là au réveil").
Ce fameux scénario classique de feel good movie apporte aussi son lot de personnages vus et revus, certains largement sous exploités (je pense notamment au rival du héros, qui apparaît dans 3 scènes pendant 15 secondes), et qui nous laissent tous cette impression de fadeur et de déjà-vu.


En fait, ce film s'est vautré là où Piano forest a réussi haut la main.


En effet, je me devais de parler de Piano forest dans cette critique, car les 2 films ont beaucoup de points communs : ils parlent tous les deux du piano, l'histoire tourne autour d'un concours (point culminant du film), et ils comportent tous les deux un génie du piano. Cependant, Piano forest (film que je conseille vivement) brille par son inventivité, sa magie, son audace et toute la passion qui s'en dégage ; nous avons, avec Au bout des doigts, les deux faces opposées d'une même pièce : l'un brillant et audacieux, et l'autre beaucoup trop fade et revu.


Pour conclure, certains me diraient "mais alors, n'aimes-tu pas les feel good movies ?". Et bien si. J'aime beaucoup les feel good movie, j'adore le piano, mais ce film s'est complètement vautré en ne voulant pas prendre de risques, en voulant ré-utiliser des mécaniques déjà vues par les spectateurs, sans doute pour le familiariser ; cependant, en faisant ça, on oublie que les variations à partir d'un seul thème font partie des morceaux les plus durs à composer, car il est extrêmement difficile de trouver des variations à partir de quelque chose d'aussi fixe.

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le 25 avr. 2020

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PuduKazooiste

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