Adieu
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Soyons objectifs : le cinéma actuel est en train de se partager entre un cinéma pour spécialistes (voir The Square ou le Mise à mort du Cerf Sacré), froid et abstrait, et un cinéma populaire (voir les blockbusters américains) qui devrait s'appeler entertainment et non cinéma. Pendant ce temps le cinéma traditionnel français fout le camp. La vieille tradition du réalisme poétique en a pris un coup ces derniers temps. Bien que le film ne doive pas se voir pas uniquement sous l'angle réducteur du réalisme mais aussi sous celui du baroque et du fantastique c'est une bonne surprise de revoir un film ambitieux.
A la dénonciation de la guerre des tranchées, très réaliste, s'ajoute celle de l'époque actuelle avec sa corruption et la domination des affairistes sur les politiques . Le personnage principal Albert Maillard, qui est interprété par Dupontel, est traumatisé par la guerre et presque autant par l'après-guerre. Albert Maillard est volontairement décrit comme fruste, terre à terre. Reconverti en homme-sandwich il n'a aucune prise sur la réalité et n'a aucun moyen d'assouvir sa rancœur. Il ne cesse de rêver à une vengeance adaptée au cynisme de l'écoeurant Pradelle, outré dans la malfaisance, sadique comme lieutenant et escroc en tant que chef d'entreprise.
Bien que le frère d'armes de Maillard Edouard Péricourt, soit mort lors d'un assaut, il le fait revivre en imagination, car il comprend bien que seul sa vengeance n'aurait aucune chance de se réaliser. Edourd Péricourt sera donc déterré symboliquement (il est significatif que le père et la sœur de la victime le croient mort) et sous le filtre du fantasme de Maillard il se parera des plus beaux masques (le plus inquiétant étant celui de la femme aux longs cheveux noirs déjà vu dans Ring), sera un surdoué avec des dons autant pour le graphisme que pour l'arnaque et se vengera avec panache : le jeu de massacre des généraux et des gouvernants au Lutetia en est le plus bel exemple.
Ainsi donc il ne faut pas rechercher de la crédibilité dans le personnage du vengeur masqué qui n'est qu'un mort-vivant. Maillard vengé (symboliquement?), Péricourt disparaîtra en plongeant du haut de l'hôtel. Et l'arnaque aux monuments aux morts est elle-même une vengeance ironique et grinçante post-mortem des disparus de la guerre. Et la photo (un peu trop) travaillée, la beauté (un peu trop) formelle des masques, les (rares) incohérences signent l'entrée dans le domaine du rêve de la plus grande partie du film. Par ailleurs le film ne se résume pas à ce thème. La confrontation père implacable-fils incompris, certes déjà vue mais ici émouvante, a été rajoutée par rapport au livre, ainsi que l'idée malicieuse de lancer le « mal noté » Merlin, le fonctionnaire incorruptible, sur la piste de Pradelle. Et le rapatriement des troupes filmé dans la gare désaffectée de Versailles ou la scène finale en extérieur au Maroc vue en plongée sont des respirations bienvenues.
Mais le meilleur atout du film est le grotesque, le bizarre, à l'image des chinois travaillant dans le cimetière, et bien sûr l'inventivité des masques, qui empêchent le film de tomber dans le classicisme du déjà - vu - maintes - fois des téléfilms du service public sur la Grande Guerre.
Créée
le 5 nov. 2017
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