On retrouve avec plaisir dans ce « Baisers volés » le personnage d’Antoine Doinel qu’on avait découvert 9 ans avant dans « les 400 coups ». Il y est toujours interprété par un Jean-Pierre Léaud en double de François Truffaut, confondant de naturel, avec sa diction si particulière.
S’inscrivant dans une Nouvelle Vague à l’époque, avec ses caméras sorties des studios pour arpenter les rues, le film revêt aujourd’hui un aspect parfois désuet mais non dénué de charme.
Le Paris décrit est celui de la fin des années 60 et prend des allures de carte postale vintage entre ses monuments (Sacré Coeur, Tour Eiffel,..), ses prostituées, ses détectives et son « Pneumatique », l’ancêtre du SMS. Le réalisateur choisit de n’évoquer qu’à peine les événements de mai 68, avec son personnage principal quelque peu décalé, réformé du service militaire, et navigant de petits boulots en petits boulots sans inquiétude.
Truffaut aime ses acteurs, de ses seconds rôles hauts-en couleur ( Michael Lonsdale en marchand de chaussures qui engage un détective pour savoir pourquoi on ne l’aime pas, un magicien fou de jalousie, un détective sans scrupule …) à ses actrices qu’il filme amoureusement (Claude Jade délicieusement ingénue, Marie-France Pisier magnifique qui n’apparaît que quelques minutes en clin d’œil à « Antoine et Colette » la précédente aventure filmée d’Antoine Doinel, Delphine Seyrig mystérieuse et d’une classe folle,…)
Aux œuvres de Godard, et malgré quelques longueurs ( la scène du miroir…) ou effets datés, je préfère infiniment cette version de la Nouvelle Vague, moins auteurisante, plus accessible, parfois drôle ( la scène de l’empaquetage des chaussures) ou tendre ( la relation avec Mme Tabard), aux références littéraires assumées mais non pesantes( « le Lys dans la vallée » de Balzac dont il suit le scénario, mais aussi « la sirène du Mississipi » que Truffaut adaptera plus tard).
La fin du film semble achever l’initiation amoureuse de Doinel, qui rentre curieusement dans le rang… en attendant la suite de ses aventures ( « Domicile conjugal », « L’amour en fuite »,….)