Il y a dans ce dernier film noir et blanc de Kurosawa se déroulant au Japon du XIXe, quelque chose de résolument moderne, sur l'art d'imposer une autorité bienveillante et une figure d'attachement dans le domaine du soin.
Cette figure est personnifiée par un Mifune exceptionnel en doc Barberousse. Celui-ci affublé d'un patronyme à contre-courant des mythologies habituelles, fait montre, en médecin chef d'un hôpital de cambrousse, d'une patience et empathie au delà de la norme, que bien des docteurs actuels devraient prendre en modèle, cela sans une once de moralisme.
Le jeune futur médecin Yasumoto, au départ réfractaire, s'y laissera prendre... L'intrigue repose à travers les yeux du jeune étudiant, débarquant dans ce huis clos de misère, de vice, de maladie, sur la démonstration que l'ascèse despotique du médecin chef recèle une bienveillance radicale.
Kurosawa n'épargne rien en termes de vie cassée, violée, de couples déchirés, d'enfance meurtrie, suicidée ect... Il déploie une caméra lente et souvent fixe, dans ce cadre sombre, où s'infiltre un vent angoissant, pour mieux mettre en exergue la force du groupe. Celui qui colmate les brèches, panse les plaies, console la femme violée, ranime l'enfant 'petit rat' empoisonné... Convoque les esprits telluriques dans une scène extatique où l'eau du fond d'un puit reflète les visages implorants.
L'épisode où Barberousse contrecarre en samouraï protecteur, le pouvoir aliénant de la femme maquerelle constitue une césure dans ce long parcours initiatique pour l'élève, comme s'il fallait une dose de violence d'ailleurs caricaturée, et parodiée... zigouiller les malfrats pour extirper la jeune fille malade des griffes de la matronne, sans omettre de réparer les dégâts humains que la hargne du toubib a lui-même produit. 'Non un médecin ne devrait pas se comporter comme cela' dit-il à son élève... là où la politesse est une religion (est-ce toujours vrai ? Barthes le disait dans son Empire des signes, ou plutôt que la politesse a remplacé la religion).
Bref très grand film moderne...

Goguengris
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le 26 févr. 2017

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