Beasts of no Nation est un des films que j'attendais le plus cette année : d'abord parce qu'il est réalisé par le génial Cary Joji Fukunaga dont les talents de metteur en scène ont transcendé la saison 1 de True Detective. Ensuite parce que ce film est le premier témoin des ambitions cinématographiques de Netflix et enfin parce que j'adore Idris Elba qui est un des acteurs les plus sous-estimés et les plus sous exploités de sa génération.
Mes seules craintes concernait le sujet casse gueule du film et son traitement par des producteurs ricains prompts à verser dans le lacrymal et à distiller une vision caricaturale de l'Afrique. Fort heureusement il n'en fut rien !
En premier lieu, parce que la péloche fait fi de tout point de vue occidental bien pensant, le reste du monde étant dépeint au mieux comme un témoin impuissant (ces travailleurs humanitaires qui apparaissent puis disparaissent aussi sec au détour d'un plan), au pire comme un complice et un profiteur (cf. les asiatiques en costard cravate). Ensuite, parce que même si il se déroule dans un pays imaginaire (évidement fortement inspiré par le Liberia et la Sierra Leone), le récit dégage une forme d'authenticité palpable, principalement grâce à une direction artistique impeccable et à un casting à 99 % africain. A ce titre, si la performance d'Elba, habité par son personnage de salopard en chef, mérite force louanges, on mentionnera surtout celles des enfants tous époustouflants, le jeune Abraham Attah en tête.
Leur abattage doit d'autant plus être salué au regard des faits réels particulièrement durs évoqués par un script qui ne fait d'ailleurs aucune concession en terme de violence. Parfois insoutenable mais jamais complaisant, Beasts Of Nation n'élude ni n'édulcore aucun aspect de la réalité décrite.
De plus, la maîtrise formelle absolue de Fukunaga (qui s'est aussi occupé de la photo et du script) vient donner à l'ensemble des allures de cauchemar éveillé et illustrer brillamment la thématique de l'enfance volée tout en donnant corps à des visions quelques part entre Apocalypse Now et Lord of War.
Vous l'aurez compris, on est pas loin du chef d'oeuvre mais c'était sans compter sur un scénario qui se prends les pieds dans le tapis durant la dernière demi-heure. En effet, si on pardonnera aisément quelques lignes de dialogue à côté de la plaque, on a du mal à comprendre la multiplication des ellipses narratives qui débouche sur le survol de certains enjeux (l'exploitation des ressources minières, les troubles post traumatiques...) et sur une fin abrupte, comme si le cinéaste ne savait pas comment mettre fin à son histoire et notamment à la relation dérangeante entre Agu et son "commandant".
Il semble donc que Fukunaga ait été écrasé par le poids des enjeux de son récit auquel il échoue à donner une conclusion satisfaisante et c'est d'autant plus rageant vu le degré d'implication émotionnelle du spectateur.
Dommage car Beasts of no Nation reste une oeuvre puissante, en marge de la production hollywoodienne actuelle et humble vis à vis de son sujet contrairement à un film comme le très moyen Blood Diamond d'Edward Zwick.
C'est aussi de très bon augure pour la qualité des prochaines productions Netflix !