OGM : Organisations Gouvernementales Manipulées

Paul Moreira se demande soudain ce que contient sa barquette de viande. Les services consommateurs refusant de répondre, il décide de prendre sa caméra et son caméraman le temps d'un petit documentaire d'investigation croquignole.


Au Danemark, le technicien d'élevage Ib Pedersen, confronté à une épidémie de diarrhée chronique chez ses cochons, a l'intuition de cesser de leur donner du soja génétiquement modifié. Surprise : les diarrhées s'arrêtent deux jours après. Pour les malformations dont sont victimes ses cochons, c'est moins évident, mais il semblerait qu'il y ait un lien.


Direction l'Argentine, d'où provient en grande partie le soja dont sont nourries les bêtes européennes. Pour lutter contre les mauvaises herbes, les plantations de monoculture intensive ont - évidemment - remplacé les paysans par de l'épandage selon la bonne vieille recette : (Nature x Labour / Main d’œuvre)€ > (OGM x Herbicide / Tracteur)€. Ce faisant, le glyphosate utilisé infiltre les sols et les eaux, y compris celles du puits du village d'à côté, où le taux d'enfants handicapés est fort suspect. Premières victimes de la coalition "agro-industrie & industrie chimique" donc : le peuple rural argentin lui-même, qui non seulement a oublié de traverser la rue pour retrouver un travail, mais en plus se paye le luxe d'être un assisté intoxiqué par l'épandage.


Moreira rend donc visite à l'INTA, l'agence gouvernementale argentine de technologie agraire, pour comprendre ces choix. Las : les fonctionnaires admettent sans peine que non seulement les mauvaises herbes résistent de plus en plus aux herbicides, obligeant donc les exploitants à utiliser davantage de produits, nouveaux, mélangés, etc. (comme par exemple du 2,4-D), s'enfermant dans un cercle vicieux, une fuite en avant sans issue, mais en plus les effets de ces produits ne sont étudiés qu'individuellement, passant l'effet cocktail à la trappe. Ces "recommandations" émanent directement du gouvernement, où un ministre de la Science apathique et démuni face aux questions du journaliste ne masque pas la présence des lobbies nord-américains de l'industrie agro-chimique, Monsanto en tête.


Comme joindre Monsanto se résume à essayer de communiquer avec la boîte de com' assurant la propagande de Videla, nous entrons alors dans l'univers merveilleux des lobbies via Wikileaks, qui révèle une véritable stratégie diplomatique étasunienne pour conquérir le Marché mondial de l'agriculture avec son industrie OGM. Puis direction Bruxelles, où le lobby de la dite industrie, EuropaBio (!), organise ses collusions politiques lors de salons privés. De l'autre côté de la chaîne, en France, les producteurs de maïs sont d'ailleurs impatients d'avoir le droit d'utiliser les OGM, faut pas croire : ils sont persuadés d'améliorer ainsi leur rendement.


Je connaissais déjà la séquence jubilatoire avec Patrick Moore, un lobbyiste des OGM au profil étonnant (ancien de Greenpeace, il a sombré du côté obscur de la Force avec un enthousiasme inexplicable). On parlera aussi du TTIP/TAFTA, en ce qu'il risque d'affaiblir les normes sanitaires et environnementales, et de ses tribunaux d'arbitrage forcément partiaux.


Le point névralgique, cependant, de ce reportage selon moi, est l'étude du professeur Séralini, qui répond(rait?) de manière scientifique à la question : le glyphosate cause-t-il, oui ou non, les problèmes de santé qu'on lui prête ? Les rats sur lesquels sont habituellement effectué les tests sont nourris aux OGM glyphosatés pendant trois mois. Séralini a décidé de prolonger l'étude sur deux ans, avec des résultats accablants. Cette étude, après avoir causé un tremblement de terre médiatique comme il se doit, a été réprouvée par des agences sanitaires françaises, puis republiée par Séralini en libre accès... Un beau bazar qu'il s'agirait de creuser davantage.


En définitive, la question scientifique n'est pas vraiment résolue et corrélation n'est pas causalité : le glyphosate et les autres herbicides causent-ils des maladies ? Des cancers, des malformations, des diarrhées ? C'est confus. Les études sur le taux de handicap en Argentine, apparemment corrélés avec la proximité d'épandage d'herbicides, sont-elles des mensonges, comme le clame rageusement Patrick Moore ? L'étude de Séralini a-t-elle commis des fautes méthodologiques graves ? Certes, les collusions politico-industrielles affichées et les problèmes sociaux rendent ces questions, sinon caduques, du moins peu importantes, car le déni de démocratie est clair à mon sens. Mais ce sont elles en définitive qui permettront de barrer efficacement la route aux vendeurs de mort. Or le reportage, pour dynamique, agréable et parfois drôle qu'il soit, n'y répond pas de façon satisfaisante. Dommage.

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le 20 janv. 2019

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