La tragédie romantique

Dean (Ryan Gosling) et Cindy (Michelle Williams) nous présentent ici les deux bornes de l'intervalle de leur relation. D'un coté, le début de leur relation, et des années plus tard, leur mariage qui tombe en morceaux

L'histoire repose sur ses personnages donc je vais prendre le temps de les décrire avec quelques détails. Ce sont l'un comme l'autre des exemples de personnages qu'on a envie d'aimer : Il est un travailleur au grand coeur qui découvre que le bonheur réside dans sa famille. Elle est brillante mais pas élitiste et rêve du grand amour. Comment ne pas les aimer? Quel couple parfait! On se croirait revenu dans The Notebook. Ou pas.
Car cette fois malgré la facilité avec laquelle on glisserait vers la happy end, ce n'est pas le sujet du film. Ce film est sur la façon dont la mécanique d'un amour qui semblait parti pour la vie se grippe et finit par se briser. Le film ne cache jamais que le couple est dysfonctionnel et l'on est d'abord touché par la volonté que met Dean à le maintenir debout. Mais à mesure que le film avance, on réalise que Cindy n'est pas la super-méchante qui fout tout en l'air par son manque d'investissement (dans le genre de Elise dans Mr. Nobody), non, elle a simplement des aspirations qui sont de moins en moins compatible avec son partenaire. D'habitude dans ce genre de film ces envies sont assez égoïstes et le spectateur ne ressent pas vraiment d'empathie pour celui qui est à l'origine de la rupture, mais Blue Valentine trouve le ton juste pour maintenir son personnage très humain, ça fait plus penser à 500 Jours Ensemble.
Les indices qui nous sont apportés sur le cheminement de son personnage sont plus subtils et je peut comprendre que certains auront trouvé le film long s'ils n'ont pas pris la peine d'en prendre note. Il faut d'abord garder en tête les objectifs de chacun. Les parents de Dean sont divorcés et il a souffert de grandir dans une maison brisée, il ne veut pas reproduire ce schéma. Les parents de Cindy ne s'aiment plus vraiment, elle a vu sa mère souffrir du comportement de son père qui ne la considérait pas son égal, elle ne veut pas subir la même chose. On a un jeu de miroir entre scènes. D'abord le petit déjeuner ou Dean méprise ce qu'elle sert à leur fille, à mettre en lumière de la scène ou son père méprise le diner préparé par sa mère. Les négligences (la porte du chien laissée ouverte, le petit déjeuner à la va vite, le retard à la chorale) entrainent des reproches de son mari qui ne comprend pas son comportement, ce qui renforce l'impression d'avoir le rôle de sa mère, ce qui l'éloigne de son couple, ce qui entraine de nouvelles marques de négligence. C'est un cercle vicieux dans lequel il est difficile de pointer du doigt un responsable. Dean ne pense pas à mal, on comprend les actions de Cindy mais il n'y a malheureusement pas d'autre issue possible que l'échec.

Un mot sur la cinématographie car c'est pour moi le point faible du film, trop de caméra à l'épaule c'est fatiguant au regard. Lorsque tout est flou c'est pas "artsy" c'est juste pas intéressant et dire que c'est fait exprès c'est juste une justification pour un film techniquement pas terrible. Sans ça je serais monté à 8/10

Je trouve que ce film est est peut être sous-apprécié pour ses qualités, et trop apprécié sur un critère émotionnel "il y a Ryan Gosling et en plus c'est trop trop triste". C'est pour moi une tragédie au sens classique du terme, des personnages moraux auxquels on aspire ressembler qui sont malgré tout entrainé inexorablement vers l'échec justement car ils restent fidèles à eux mêmes. C'est un format qui fait du bien à voir traité avec justesse.