Ce livre qui transforme l'obscurité en lumière n'est autre que le savoir, cette connaissance qui n'a du bon que lorsqu'elle est accessible à tous, et non enfermée derrière un mur, distante, réservée aux élites... Un message très actuel alors que l'obscurantisme ambiant menace de noyer dans l'oubli des pans entiers de notre histoire et de notre patrimoine culturelle, et de faire sombrer les esprits dans une nouvelle ère de nescience apocalyptique.
Malheureusement, le film se garde bien de révolutionner certains clichés pourtant surannés : les hommes restent les détenteurs attitrés de l'intelligence et la raison tandis que le seul personnage féminin de l'histoire (ce charmant lutin des bois que Brendan nomme « fairy ») doit se contenter de son sixième sens. Aussi affuté soit-il, Aisling ne joue cependant qu'un second rôle dans le récit : elle n'est que « garde forestière », guide temporaire qui éveille brièvement le héros à la beauté et aux mystères du monde. Elle-même est détentrice de certains secrets (après tout, c'est elle qui commence la narration), mais sa science reste purement empirique.
La forêt en revanche… ah, la forêt ! Mise en scène dans de nombreux contes folkloriques, elle est souvent perçue comme l'incarnation de cette période délicate dans la vie : le fameux coming-of-age, ce passage à l'âge adulte qui vous transforme un personnage. On n'est jamais le même en sortant des bois.
Dès que Brendan y pénètre, il ôte sa capuche. C'est alors qu'il est assailli par les sons et les lumières qui s'offrent à lui. La forêt est généreuse en enseignement, pour autant qu'on veuille bien apprendre. Moralité ? Les murs ne servent à rien. Tous les enfants devront un jour ou l'autre explorer leur propre sylve. (Je vous laisse méditer sur toutes les interprétations possibles d'Into the woods…)