(article précédemment publié sur Les Chroniques de Cliffhanger & Co)


On a beaucoup lu que Budapest était le Very Bad Trip français. Et il y a pire comme comparaison, soit dit en passant. En effet, la trilogie de Todd Phillips a ce petit truc qui fait que c’est une réussite à peu près à tous les niveaux. Cependant, mis à part l’aspect volontairement outrancier de l’adage comique relatif à la fête masculine, on est bien loin ici des trois films avec Bradley Cooper et Zack Galifianakis. La différence la plus immédiate est son nombre de protagonistes (et du coup sa dynamique). Dans The Hangover (titre original de Very Bad Trip), on avait trois personnages principaux, recherchant constamment un quatrième. Ici, Monsieur Poulpe est certes un personnage un peu extrême et décalé, mais il reste un personnage secondaire, là où Alan (Galifianakis) était le centre de toutes les attentions – surtout dans les deux suites de The Hangover. Nous avons donc un duo de héros, interprété avec panache par Manu Payet (aussi co-scénariste) et Jonathan Cohen, qui campent deux entrepreneurs français partis monter une boite d’organisation d’enterrements de vie de garçon en Hongrie. De ces prémices prêtant à tous les excès, comme le promettait la com du film, on nous livre pourtant une bromance à la Rogen/Goldberg (This is the End, The Interview), autre pendant la comédie étasunienne, où l’amitié et le bonheur marital prévalent sur le reste.


Les comédiens semblent réellement prendre un plaisir contagieux à faire montre d’un abattage à la fois bien écrit et très probablement grandement improvisé – notamment par le spécialiste de l’exercice Jonathan Cohen. Mais ce dernier est aussi dans sa zone de confort lorsqu’il s’agit de trouver des sentiments troublants (il n’y a qu’à revoir certains épisodes de Serge Le Mytho, dont l’épisode final). Mais les véritables surprises sont réellement les deux comédiennes qui interprètent les femmes des héros : Alix Poisson et Alice Belaïdi. La première est vraiment marquante dans une force froide et touchante, alors que la seconde tire son épingle du jeu en volant toutes les scènes dans lesquelles elle apparaît : à en juger, particulièrement une où sa vulnérabilité est d’un réalisme et d’une précision très rare dans une comédie française.


Esthétiquement, on est quand même assez loin des comédies françaises communes. En effet, aux manettes de ce manège de débauche, on retrouve le très "genre" Xavier Gens, qui s’était jusqu’alors illustré dans l’horreur (Frontière(s), The Divide) ou l’action (Hitman aux US pour la Fox). Du coup, on était en droit de se demander si il n’était pas en train de prendre un chèque facile. Il n’en est rien, on le sent investit à 110%, soignant sa direction, sa lumière, ses cadres, sa narration, qui rappellent autant Edgar Wright par moments que Danny Boyle à d’autres. Et il n’en sacrifie pas pour autant l’humour d’un scénario qui n’évite parfois malheureusement pas les redites. Certes ça sent un peu le réchauffé des productions hollywoodiennes d’il y a bientôt 10 ans (The Hangover 2 en tête) mais l’entreprise reste pourtant bien plus classe ou drôle que les tentatives françaises précédentes (Pattaya ou Babysitting). Finalement, Gens tire une copie étrangement digeste et réussie d’un film pourtant hybride entre la comédie de Payet (type Radiostars), celle d‘Arthur Benzaquen (ici producteur et acteur, Zak, Aladin) et de sa mise en scène, inédite dans une comédie française codifiée.

JobanThe1st
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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