Plus boulimique de pellicules que jamais avec son rythme d'une péloche par an, nous avions laissé ce bon vieux Woody Allen en septembre dernier avec le divertissant mais peu original L'Homme Irrationnel, dramédie brouillonne dans sa narration, plus convaincante dans le polar décalée et noir (façon Scoop) que dans la comédie romantique et le drame moralisateur, mais impeccablement interprété par un casting joliment attachant (Joaquin Phoenix mais surtout les charmantes Parker Posey et Emma Stone).


Le bonhomme nous avait une fois n'est pas coutume, confirmé qu'il ne s'impliquait pleinement dans ses péloches qu'une fois sur deux, lui qui aligne depuis près de trois décennies maintenant un grand cru ambitieux puis un plus mineur - la quantité ayant toujours un impact certain sur la qualité.


On attendait donc avec impatience non-feinte son retour au business - mais surtout à un cinéma plus exigeant et pensé même si toutes ses œuvres s'assemblent et se ressemblent -, via Café Society, promesse d'une belle et vintage comédie romantico-mélancolique comme il sait si bien les mettre en scène, le tout porté par un cast indécent de talents : Jesse Eisenberg, Kristen Stewart, Steve Carell, Parker Posey, Blake Lively et le mésestimé Corey Stoll.


Évoquant logiquement son Radio Days avec son héros fasciné par un univers fantasmé (le cinéma), le film s'attache à conter l'histoire de Bobby, jeune juif qui au milieu des années 30, vit avec ses parents dans l'appartement familial dans le Bronx de l'avant-guerre.
Mais le jeune aspire à autre chose, à croquer dans la vie toute dorée d'Hollywood et de sa fructueuse et fascinante industrie du cinéma.


Ce qui tombe bien puisque son oncle Phil, dirige la-bas une agence de stars.
Ne perdant pas de temps pour poser son sac dans la Cité des Anges, il va tout faire pour s'incruster dans le monde impitoyable du septième art, tout autant que de faire craquer la belle Veronica " Vonnie ", l'assistante de son oncle pour laquelle il est éprit, même si son cœur appartient déjà à un homme marié, le fameux tonton Phil.


Éconduit, il retournera dans sa Big Apple natale pour y fonder avec son frangin Ben, une boite de nuit - le Café Society, qui donne son nom au titre du film - branchée dans laquelle il trouvera enfin chaussure à son pied avec la sculpturale Veronica - blonde celle-ci.
Et tout ira dans le meilleur des mondes jusqu'au débarquement impromptu au Café Society, d'oncle Phil et de Vonnie...


C'est cette fuite en avant façon chassé-croisé amoureux dans une Hollywood qu'il méprise depuis toujours, que Woody Allen s'échine à mettre en image dans cet irrésistible Café Society, une délicieuse comédie romantique pétri de charme et de subtilité, dans laquelle les dialogues finement scriptés fusent comme des feux d'artifices en pleine fête nationale et ou l'émotion, parfois cruel, décortique avec malice le sentiment amoureux dans ce qu'il a de plus bouleversant (l'amour non-partagé ou les romances manquées), passionnant et vrai (comment ne pas se souvenir, avec mélancolie, de son premier véritable amour ?).


Porté par une mise en scène inspiré et comme retrouvé par un cinéaste visiblement enthousiasmé à l'idée de raconter son histoire (dans tous les sens du terme), comme tout bon Allen qui se respecte, la péloche fait surtout et avant tout, la part belle à ses glorieux interprètes, tous intelligemment croqués.
On pense évidemment en premier à Jesse Eisenberg (le clone idéal du metteur en scène sur grand écran) et Kristen Stewart, habités et tout droit sortie de l'âge d'or d'Hollywood, mais également à Corey Stoll, jouissif en beau-frère criminel adepte du crime bien fait, ou encore à l'inestimable Steve Carell, tout en justesse et en retenue dans la peau du tonton de la Côte Pacifique, Phil.


Familière, attachante et d'une élégance folle, Café Society est une hilarante et délicate comédie romantique, une envolée exquise dans un passé à la douceur lumineuse, qui fait directement écho à son sublime Minuit à Paris ou, là aussi, le cinéaste New-Yorkais jouait avec l'illusion d'une époque bénit mais désormais révolu.
Conscient de la vitesse fulgurante du temps qui passe, et si, alors que sa vie entame certainement sa dernière bobine, ce bon vieux Woody nous délivrait quelques-uns de ses plus beaux cadeaux en souvenir d'un cinéma aussi singulier qu'il est majeur pour tout cinéphile un minimum endurcit.


Qu'on se le dise, quand il nous touche droit au cœur et à la rétine, Allen nous fait tomber amoureux du septième art comme personne.
Chapeau l'artiste et à l'année prochaine, ce qu'on espère sincèrement.


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/05/critique-cafe-society.html

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le 11 mai 2016

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