Deux hommes se rencontrent dans un salon de poker. Ils ne se connaissent pas, ne savent pratiquement rien l’un de l’autre, mais c’est déjà bien assez. Ils sont tous les deux des parieurs compulsifs et c’est tout ce qu’ils ont besoin de savoir.


D’un côté, l’expressif, le charmeur, l’hystérique Bill (le magistral Elliot Gould). La coolitude incarnée. La nonchalance en personne. Un baratineur tout en frisettes et en sourires en coin, toujours une chemisette à motifs sur le dos, une clope entre les doigts. Il est capable de pousser un aveugle à parier pour une paire de lunettes de corrections et il est prêt à parier tout ce qui est possible de parier, sur tout ce qu’il est possible de parier. De l’autre, George (Jason Segal). Plus calme. Plus intériorisé. Plus rigide. La mèche bien ajustée dans son pull beige et derrière ses lunettes de soleil. Il saute sur toutes les occasions de jouer et passe plus de temps à s’éclipser de son travail pour retrouver son nouvel acolyte qu’à y travailler.


Bill et Charlie parient sur tout ce qui se présente sur leur passage, poker, boxe, courses hippiques, casino ou même sur le nom des sept nains. Ils soulagent leurs côtes endolories par le passage à tabac de la veille en y étalant de la mousse à raser. Ils soignent leur gueule de bois de la veille à grandes gorgées de bières entre deux cuillères de Froot Loops.


Jeux vie, nous vivons.


Si leurs actions toujours plus inconscientes, plus loufoques, plus folles paraissent amusantes pendant la première partie du film, elles révèlent ensuite le côté tragique de leur vie. Une vie entièrement tournée autour du jeu. Gouvernée par le jeu. Derrière la légèreté apparente des aventures de nos deux parieurs rieurs, Altman livre un film réaliste, presque naturaliste, dans lequel il illustre une fois de plus son incroyable talent pour dépeindre un milieu et une époque. Après la capital de la country dans Nashville, le film noir dans A long Goodbye ou le grand ouest désenchanté dans McCabe and mrs Miller, il offre cette fois une vision du monde du jeu aux Etats-Unis comme aucun film ne l’avait fait, et comme aucun film ne le refera. Jamais le besoin et la nécessité de parier, l’excitation et l’exaltation de placer une grosse mise, la fierté et la félicité de réaliser un énorme coup n’auront était aussi bien retransmis.


Un portrait où l’on retrouve la patte du réalisateur américain. A commencer par une caméra qui s'efface pour laisser la place aux nombreux personnages et aux conversations, tout en offrant quelques passages magnifiques. Comme leur premier échange dans un bar, où tous les clients sont filmés en trois plans à la mise en scène incroyables, où leurs conversations se superposent les unes aux autre et se mélangent. Le duo Gould, Segal est parfait, comme tous les personnages secondaires qui croiseront leur route et qui permettent à Altman de dépeindre le monde du jeu en Amérique.


Les films sur le jeu se finissent toujours de la même façon, par une défaite de trop qui voie le héro tout perdre ou par une ultime victoire qui voie le héro tout gagner. Ici, les deux héros finissent par une grosse victoire qui casse leur élan, qui les sépare et les renvoi chacun de leur côté. Parce que ce qu’il y a de plus excitant c’est le jeu, pas le résultat. Parce qu’ils savent très bien que dès le lendemain, ils rejoueront ce qu’ils viennent de gagner et qu’ils se retrouveront fauchés à un moment ou à un autre.


California slip s’ouvre sur un tableau noir avec les mots high- low, high-low inscrit en gros dans un salon de poker et se termine par le plan d’une roulette qui tourne dans un casino. Deux symboles parfaits de l’esprit de ce film qui se contente de suivre les hauts et les bas de ces deux personnages centraux. Deux accros aux jeux à la vie rythmée comme une roulette de casino. Un éternel recommencement qui se termine par de l’argent gagné ou de l’argent perdu. Avant de recommencer, encore et encore.

Clode
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le 29 juin 2015

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