Elio, 17 ans, passe comme chaque été ses vacances en Italie, dans la spacieuse résidence secondaire de ses parents. Il y mène une vie tranquille, entre la lecture, la musique et les sorties. Son père professeur accueille chaque année un étudiant durant la période estivale pour l’aider dans son travail. C’est Oliver, jeune doctorant en philosophie venu tout droit des Etats-Unis, qui est hébergé par la famille d’Elio au cours de cet été de 1983.

Oliver a tout pour plaire. Beau, intelligent et intriguant, il séduit rapidement tous ceux qui l’entourent. Si Elio semble au départ agacé par la désinvolture de ce nouvel invité, ses gestes, ses expressions, ses paroles et ses actes trahissent ses pensées. On se rend bien compte que les apparences ne font que dissimuler un intérêt évident pour ce nouvel arrivant, cachant même une crainte de lui déplaire.

Alors que chacun flirte de son côté, Elio s’interroge sur ses propres sentiments et tente d’approcher Oliver. Progressivement, une certaine complicité se construit entre eux. Au cours d’instants partagés, les conversations d’abord innocentes deviennent ambiguës, et la tentation se fait toujours plus forte. Un amour à la fois discret et bruyant grandit, entretenu dans les silences et les regards, jusqu’à ce que la découverte des statues antiques dans le lac révèle l’évidence. L’allure de ces corps sculptés et courbés, évoquant une splendeur charnelle irrésistible, apparaît comme un curieux reflet de ce désir grandissant entre deux êtres inévitablement attirés l’un envers l’autre.

Tout au long du film, on accompagne Elio dans ses moments de doute, d’exaltation et de solitude. Lorsqu’il attend patiemment Oliver, c’est comme si l’on attendait nous aussi interminablement cet être adoré, pour pouvoir le serrer dans nos bras et sentir sa présence rassurante. Assumant sa sensibilité et ses émotions sans artifice, le personnage d’Elio, interprété par le talentueux Timothée Chalamet, est touchant de sincérité.
L’ultime retranchement du plan final réussit à mes yeux à capturer toute la complexité des sentiments d’Elio. Face à la cheminée, il contemple ce passé révolu et ces souvenirs qui le marqueront à jamais. La chanson « Visions of Gideon » qui l’accompagne en fait un épilogue sublime dans sa simplicité, teinté de mélancolie dans sa capacité à évoquer le manque de cet être, hier encore si proche, et désormais irrémédiablement insaisissable.

Avec cette adaptation du roman d’André Aciman, Luca Guadagnino parvient brillamment à nous émouvoir en capturant certains mouvements, gestes et paroles, qui sont autant de détails paraissant anodins mais dont on se souvient par ce qu’ils nous évoquent. Les fruits mûrs et juteux, les repas conviviaux, les soirées entre amis et les moments de détente au bord de l’eau font appel à nos sens et illustrent la « dolce vita » estivale. L’influence du co-scénariste James Ivory est perceptible dans quelques scènes empreintes d’un romantisme dépouillé et touchant.

Années 1980 obligent, les Psychedelic Furs et F.R. David côtoient des hits italiens aux sonorités rétro, marquant la bande-originale du dynamisme et de la nostalgie d’une époque. Le piano rythme le récit, à la manière d’un fil conducteur qui évolue au gré des sentiments des personnages. Mais c’est sans doute la musique de Sufjan Stevens qui a le plus marqué mon esprit. Agissant telle une trame narrative aux souvenirs d’Elio, ses chansons posent des mots sur ce que le personnage ressent et collent parfaitement à l’atmosphère du film.

Call me by your name raconte une histoire bouleversante de vérité, sans jamais tomber dans la vulgarité, ni dans l’exagération. Les personnages d’Elio et d’Oliver sont interprétés avec tant de justesse et d’authenticité qu’il est difficile de ne pas ressortir secoué des performances livrées par Timothée Chalamet et Armie Hammer.
Plus que l’histoire inoubliable de deux êtres qui s’abandonnent l’un à l’autre dans l’agitation d’un premier amour déconcertant, c’est avant tout l’histoire du passage à l’âge adulte d’un adolescent qui se cherche encore, et de sa découverte du désir à travers cet Autre qui le marquera à tout jamais.

Vous l’aurez bien compris, je ne peux que recommander ce film. Pour les émotions qu’il suscite, pour l’histoire sincère et touchante, pour le jeu d’acteurs, pour sa musique, pour sa simplicité…

LedZ
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le 1 mars 2018

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