Une villa clôturée de laquelle ne sortent jamais les trois adolescents et la femme d’un chef d’entreprise. Une employée de sécurité aux yeux bandés, embauchée pour pratiquer l’éducation sexuelle du fils. C’est dans ce décor lisse et effrayant que nous plonge Yorgos Lanthimos pour parfaire sa critique acerbe du patriarcat. Dès le départ, le ton est donné : dans une salle blanche immaculée digne d’une chambre d’hôpital, les trois enfants écoutent une bande son qui donne une définition altérée de termes.
Aux côtés de la falsification du langage et de la mécanisation de l’acte sexuel, la perpétuation de croyances, de rituels totalement saugrenus parachèvent la démonstration d’une éducation autoritaire, stérile et infantilisante, coupée du monde extérieur. C’est pourtant en laissant entrer un élément dans ce monde à part, l’employée de sécurité, que le père ouvre malgré lui et malgré toutes ses précautions une brèche dans son cocon morbide.
Avec ce huis-clos déroutant, Lanthimos déploie avec un degré d’inventivité diabolique les désastres d’un système patriarcal où tout est programmé, ou l’instinct et les intuitions ont été remplacés par une idéologie triviale. Ce degré d’absurdité trouve son paroxysme dans le titre du film, tout autant décalé, qui rappelle qu'ici, la chute d’une canine est prise pour l’autorisation de quitter la maison. Ce film, qui n’a ni queue ni tête, est osé, mais on se prend à continuer son visionnage presque malgré nous. Il joue avec nos nerfs et met les pieds dans le plat, avec un plaisir manifeste, des possibles tabous d'un système social, avec l'inceste en point d'orgue.
Enfin, c'est un film qui pose des questions, jusque dans la toute dernière scène, qui ne tranche pas sur la possibilité ou non de l’insertion dans la vie sociale pour une victime de ce système.