Amis de la dentelle et de la délicatesse, ce film n’est pas pour vous.
Clairement scindé en deux parties, on a là un film qui ne fait pas peur mais dont on ressort avec un profond sentiment de malaise.
La première partie nous montre un anthropologue qui va au-devant d’une civilisation primitive aux mœurs cannibales afin de rechercher les bandes filmées d’une expédition précédente. On a plus l’impression d’assister à un nanar tellement tout est mal joué, mal filmé et mal monté. Pas de quoi fouetter un chat, hormis une scène assez déconcertante de punition d’une femme par des moyens du bord (je vous passe les détails).
La deuxième partie est plus dérangeante et du coup le côté gentiment foutraque de la première partie disparaît totalement. On assiste au visionnage du film perdu.
On a droit à tout : viol, décapitation, empalement, violence extrême. Mais où cela dérange, c’est que tout n’est pas l’apanage du sauvage.
Car oui, ce film interroge derrière ses gros sabots : et si le cannibalisme de ces primitifs n’était après tout pas pire que nos comportements de personnes dites civilisées, à savoir le voyeurisme bon marché et la volonté que tout le monde se comporte suivant nos règles.
On est mal à l’aise après certains passages. Lorsque les cannibales tuent l’expédition, on n’est guère surpris, car ils ne font que se défendre. Les effets spéciaux ont un peu vieilli. Le passage le plus dérangeant reste le viol de la femme « blanche » par toute la tribu avant qu’elle ne serve de nourriture.
Mais bizarrement, ce sont les comportements de l’équipe qui nous renvoie le plus grand malaise. Ils violent une pauvre indigène, massacre un village juste pour le filmer…
Deodato voulait nous faire nous interroger sur notre rapport à la violence. C’est en partie réussi, hormis que dans tout ce fatras, il nous montre la décapitation d’une tortue, la mise à mort d’un singe, d’un porc et d’un rat de la savane. Et ces scènes sont, elles, bien réelles.
Car ce film est longtemps resté comme un summum du scandale, les acteurs impliqués ayant dû contredire les rumeurs qui laissaient entendre que c’était un snuff movie.
Pas un chef-d’œuvre, mais un film fondateur : sans lui, pas de BLAIR WITCH, REC, CLOVERFIELD ou autres BABY-SITTING. Rien que pour ça, il est à découvrir. Là, je vous laisse, j’ai un foie à manger.