On peut en débattre pendant un moment : Capharnaüm, coup de cœur ou coup de grâce ? Pour ma part, quelques oui mais beaucoup de non(s).
On se laisse volontiers porter par l'objectif pour le moins noble de Labaki qui nous offre de spectaculaires plans de désolation d'un Beyrouth, miroir du pandémonium terrestre pour nous rappeler qu'entre deux clopinettes, on ne sort pas tous indemnes de la Roulette de la Vie.
Zain, c'est cet éclopé au malheureux tirage comme tant d'autres avec lui. Animé par Thanatos, il erre, largué dans le bocal à poissons, sans jamais avoir eu l'aubaine de découvrir les charmes féeriques d'une enfance immaculée.
Là aussi le choix des "enfants-crus" de Labaki est audacieux, certes ; les clichés modernes ridiculisés renforcent la cruelle réalité : ici pas de Spider-Man mais un Cafard-Man, effacé au milieu d'un essaim de "parasites". Mais tout ceci n'est pas assez. La mine consternée de Zain et la candeur de Yonas ne suffisent pas. Cela traîne en longueur. On se noie sous les plans de ce climat délétère et on se surprendrait presque à y voir un acharnement musical pour réveiller un pathos somnambule.
Pas de ligne sérieuse non plus du côté scénaristique. On se contente de placer sous projecteur les prémisses d'un plaidoyer contre la vie, avant de noyer - d'expédier - le poisson dans deux trois flash-backs et le tout dans un final mal ficelé.
Même si par instants, on se laisse attendrir par la condition misérable du protagoniste - comment pourrait-il en être autrement ? - Capharnaüm m'apparaît comme une frêle voix dans une cacophonie générale. Je ressors du visionnage un peu dupé, l'impression amère d'être resté sur ma faim, devant un spectacle qui ne demandait qu'à m'arracher quelques larmes sincères.