La Frontière indicible entre le bien et le mal.


Dès le début, Matthew Heineman se refuse à prendre parti. L’idée de réaliser ce film lui est venue d’un article qu’il avait lu sur les groupes d’autodéfense qui se forment à la frontière entre le Mexique et l’Arizona. Le documentaire suit deux histoires en parallèle, réunies par le problème des cartels de drogue.


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Du coté des Etats-Unis, la peur et la paranoïa poussent Tim Nailer à créer son propre groupe de patrouille aux frontières mexicano-americaines. Coté Mexique, c’est à travers la figure du chef, José Mireles et son groupe d’autodéfense citoyenne, que l’on fait face à une guerre réelle qui oppose villageois et cartels de drogue.
On suit alors deux points de vues avec des histoires différentes, mais réunies par un même combat. La caméra garde un point de vue d’historien, droit et centré, tout en rentrant dans l’intimité de ces deux personnages. En particulier pour José Mireles, dont la vie a été chamboulée et mise en danger par son implication dans l’Autodéfense.
Tout comme a pu se questionner le réalisateur en faisant le film, comment réagirions nous si nous étions à la place de ces deux hommes ? Serions-nous, nous aussi, prêts à nous battre pour notre communauté ? Serions-nous victimes ou assoiffés de justice face à un gouvernement incapable d’assurer la sécurité ? Ainsi, le documentaire nous immerge dans la vie de ces camps pour mieux nous montrer qu’il n’est plus juste question de camps ou d’ennemis.


Le Mexique, aux portes de l’Enfer.


Ainsi, durant des mois, le réalisateur s’est immergé au cœur du problème, du côté mexicain. A travers les différents groupes d’Autodefensa, on comprend leur pouvoir grandissant mais menaçant. La limite entre justice et guérilla devient floue parmi tous les hommes armés.
Au fur et à mesure que le documentaire évolue, on se rend compte que rien n’est tout blanc ou tout noir. Un jour ces groupes sont illégaux, le lendemain ils sont soutenus par l’état. Criminels ou justiciers, leur t-shirt blanc et leur masque ne font plus la différence. C’est exactement ce que veut montrer ce documentaire, la vérité même si celle-ci s’avère difficile. Les cartels de drogue financent ces groupes d’autodéfense, donc chacun a besoin de l’autre pour exister.


Documentaire proche de la fiction.


Si le documentaire se sert des codes de la fiction, il est tout à fait réel. Loin des scénarios présentés par les médias, via les séries télé comme Breaking Bad, l’histoire des trafics de drogue est le théâtre d’une guerre invisible. A la fois sombre et perturbant, le film veut raconter l’histoire des victimes, à travers des témoignages et des images de têtes décapitées.
Une équipe restreinte a été mobilisée pour le film et c’est essentiellement Matthew Heineman qui filme tel un reporter de guerre. Même lors des scènes de fusillade ou de nuit, la caméra adopte un point de vue proche d’un film de fiction. On oublie parfois, si ce n’est grâce à des mises au point floues et des tremblements, que l’on est dans un documentaire.


Un documentaire qui veut faire réagir. Le cycle de violence dépeint doit être stoppé, ou du moins être combattu. Le réalisateur est conscient que ce film va faire débat, ça en est peut être même le but ? A la question, « Comment régler ce problème des cartels de drogues? » La réponse est économique avant tout. Si le Mexique produit autant de drogue, c’est parce que les américains en demandent et en achètent. L’enjeu est politique et la part de responsabilité incombe donc aussi aux Etats-Unis.


Cartel Land sera projeté aux Etats-Unis et au Mexique en Juillet 2015, et fera sûrement parler de lui.

CelineLacroix
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le 17 juin 2015

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LeCiné Calorix

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