Petit chiot bien calme apprendra à aboyer...

Un film de Kurosawa sur la société japonaise d'après-guerre et ses répercussions sur la mentalité des individus et leur façon de vivre... Toshiro Mifune (plus ou moins) imberbe dans le rôle titre.... et cerise sur le cadeau, une ouverture faisant la part belle à ces chers canidés par un gros plan sur une bête de choix.... Il n'y a pas à dire, cette oeuvre possède bien des atouts sur le papier pour prétendre être un autre grand classique (méconnu) de son auteur. Mais tout grand artiste nécessite plus ou moins de temps pour construire son oeuvre et lui donner de la personnalité tout en apprenant à choisir les meilleurs moyens d'y parvenir. Et c'est que cette petite bête vient ici nous rappeler.

Bon dans un premier temps, il faut bien admettre que le film est doté de quelques atouts de choix. A commencer par les prestations de Mifune et de Shimura, grands habitués du cinéaste et qui montrent déjà toute leur assimilation parfaite son univers tout en sachant donner de l'épaisseur à leur personnage. De même en parlant d'univers, on retrouve des thématiques centrales du cinéastes telles que la perception péjorative et destructrice de la guerre, la vie laborieuse des classes défavorisées ainsi que sa capacité à retranscrire avec brio les caractères d'époque et leur ambiance. Et même quelques plans contemplatifs sur la nature pour la prime.

Néanmoins concernant déjà l'ambiance de l'époque, on ne peut pas passer sous silence l'utilisation assez abusive de la musique, notamment dans la première partie du long métrage, gâchant ainsi quelques peu les pérégrinations de notre jeune inspecteur. Pérégrinations qui d'ailleurs semblent assez peu palpitantes, la faute à une décomposition des plans pas toujours des plus judicieuses ni dynamiques. D'où le décompte du temps qui passe et un certain désintéressement pour ses déboires qui est d'autant plus fort que le personnage n'est que peu présenté et la mise en scène de Kurosawa encore trop sage et académique.

Mais fort heureusement la seconde partie marquée par sa rencontre avec l'inspecteur, se montre plus posée, notamment sur le plan sonore et fait décoller réellement l'histoire après la visite de Mirakamari cher son cher partenaire. Ainsi si on peut pester contre les redondances de dialogue, notamment avec la réutilisation de la métaphore du chien enragé, le récit marque malgré son envol. Les scènes fortes se déclenchent dès lors avec ses personnages humains en proie à la douleur et la parenthèse sur la recomposition des êtres égarés par la guerre et leur difficile réintégration au sein d'une époque troublée. Et qui est d'ailleurs elle-même en pleine reconstruction et permet à cette thématique de prendre tout son sens, notamment avec la confrontation des points de vue des deux flics sur leur perception de "l'âme criminelle" de Yusa. Néanmoins la scène finale retombe comme un soufflée et ne parvient à être réellement poignante, la faute à une réutilisation désespérante du thème musical et à une piètre mise en valeur des chamboulement moraux ressentis par le jeune inspecteur...

Donc par rapport à son premier film, Kurosawa commence à dégager une personnalité mais montre qu'il a encore à revoir sa gestion du rythme de ses récits et à se distancier de son apprentissage académique pour s'emparer véritablement viscéralement de ses histoires et en faire dégager toute l'intensité dramatique...

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le 18 janv. 2012

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Gharlienon

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