Pott est un grand discret, un timide qui ne sait pas comment trouver sa place. Un pas à la fois, il va faire différents métiers et rencontrer de nouvelles personnes, qui entraîneront de nombreuses situations farfelues. A Bangkok, son premier travail est dans une sardinerie : il s’y coupera un doigt, pensera le récupérer dans une boîte, mais c’était celui d’un autre, qui avait retrouvé le sien. Ils s’échangeront leurs doigts qui retrouveront leur place et ces deux collègues deviendront amis. Mais la rencontre la plus importante est celle avec Jinn. Inquiet de perdre à nouveau son doigt, il a quitté son emploi pour celui de liftier d’ascenseur. Mais la proximité avec les autres le gêne, il n’arrive à supporter que la compagnie de cette jeune femme, Jinn. Femme de ménage dans la même entreprise, elle passe tout son temps libre dans la tentative de lecture d’un livre écrit en langue étrangère tombé du ciel.


Leur relation est le point central du film. Mais alors que Pott tente de surmonter sa peur des autres pour être au plus près d’elle, Jinn est une femme plutôt simple, toujours à la recherche de rêves et de buts qu’elle peine à poursuivre dans des conditions raisonnables, comme son livre ou ses aspirations écologiques. Elle apprécie la compagnie de Pott, mais poursuit d’autres aspirations.


Ce n’est pas la seule personne que Pott rencontrera et qui feront des apparitions plus ou moins importantes. Tous les personnages du film ont le même point commun, qui tourne autour du but, de ce que chacun recherche et désire dans sa vie. Comme ce mort-vivant qui conduit Pott sur sa moto, tué par une giboulée de casques mais revenu à la vie car son véhicule lui manquait trop. Plus tard, devenu taxi, il fera la connaissance de la femme enfant Baby Mann et de sa relation tumultueuse avec son ours en peluche, fumeur et parleur désabusé ou encore celle d’un homme amnésique lécheur, et autres personnes farfelues.


Citizen Dog est un joyeux foutoir, surréaliste, drôle mais aussi mélancolique. Certains critiques l’ont comparé au Fabuleux destin d’Amélie Poulain, mais la fantaisie du film français est bien sage comparé à cette comédie thailandaise, tandis que la joie de vivre qui en ressortait est ici bien moindre. La douce absurdité du film serait plutôt à rapprocher avec celle de Boris Vian et de L’écume des jours.


Wisit Sasanatieng adapte le roman de Koynuch, son épouse. Les larmes du tigre noir en 2000 est son premier film, mais il a fait ses premières armes dans la publicité. Et cela se ressent dans son film avec la photographie lumineuse et colorée. Certains décors font d’ailleurs artificiels, tandis que les comédiens jouent avec une certaine fausseté.


Et pourtant, il semble que tout soit contrôlé dans ce sens, dans l’optique de créer ce décalage avec la « réalité », ce à quoi doit ressembler un film de ce style. Il n’est pas certain que tout s’insère aussi bien que l’aurait voulu le réalisateur, et que le rendu du film peut parfois interloquer, comme les scènes dans la campagne incrustées autour d’acteurs


Mais d’autres scènes sont bien présentes pour déstabiliser, à l’image de l’introduction en musique qui se transforme en karaoké gênant interprété sans passions par les figurants ou les scènes avec la grand-mère, réincarnée d’étranges manières. Mais le film offre aussi de beaux mélanges de poésie intégrés à son univers, à l’image de ces personnages sepia de romans photo extirpés de leur matériel et qui ont pris vie ou de la giboulée de casques, belles pointes rouges dans un ciel triste.


Mélancoliquement farfelu, surréaliste mais à hauteur d’homme, Citizen Dog intrigue. Malgré ses doux délires, sa sensibilité nous touche. Il apparaît parfois faux et étranger, mais le réalisateur s’amuse aussi à jouer avec nos attentes et nos perceptions. C’est une curiosité venue de Thaïlande, dont les inspirations nous échappent mais dont le résultat final nous captive, à partir du moment où on accepte sa folie douce.


Cette critique est en duo avec celle de Dimitricycle, nous avons vu le film tous deux en peu de temps, et avons écrit chacun une critique de notre côté. Il a moins raison que moi tandis que j'ai plus tort que lui.

SimplySmackkk
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le 12 sept. 2019

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