Sobriété, cohérence, efficacité

Honnête et réfléchi, Compte tes blessures est pour moi une surprise.

En effet, le film est une belle bête. Certains sujets traités sont classiques : l'opposition au père, la colère intérieure... d'autres sont plus originaux, et je pense notamment au trio œdipien père - fils - belle-mère. L'auteur-réalisateur a lu Freud, ou alors Freud avait raison... peut-être les deux. En tout cas, les thèmes abordés par Compte tes blessures sont maîtrisés et la réalisation les accompagne, toute en cohérence. Chaque aspect des personnages est ainsi exprimé par les choix opérés par l'équipe du film, et l'intensité de leurs relations est mise en avant par des plans séquences qui laissent escalader les enjeux de certaines scènes. Le tournage, réalisé dans l'ordre chronologique des scènes, a sûrement aidé à la montée douce des tensions. Je tiens à citer la lumière du film et son image, très travaillées. La direction des acteurs et les dialogues sont également de gros points forts du film.

Finalement, le principal défaut du film fait aussi partie de sa force : il s'agit de sa prévisibilité, symptôme de sa dramatisation, qui évite les écueils de l'irréalisme (réactions ou actes démesurés auraient pu être glissés dans le film) sans parvenir à surprendre.

C'est peut-être ça, la notion de cinéma d'auteur chère à l'industrie française : un scénariste-réalisateur (et pas l'inverse) qui se permet l'exigence, une ambition à la hauteur de ses moyens et une cohérence sans failles avec son propos ; ne pas faire traîner le film si il n'en a pas besoin, ne pas utiliser le plan-séquence comme une machine à succès ; la sobriété efficace, sans prétendre au chef-d'oeuvre.