L’année 2013 aura été celle de la révérence de James Wan au cinéma d’horreur. En effet, après avoir offert les rares lettres de noblesse à ce genre de divertissement, via les premiers Saw et Insidious, le réalisateur sino-malaisien avait décidé de nous livrer de nouveaux long-métrages horrifiques, avant de se lancer dans le monde des blockbusters hollywoodiens (on attend actuellement son Fast & Furious 7). Deux nouveaux succès (du moins commerciaux) avec Insidious : Chapitre 2 et un film qui a beaucoup fait parler de lui. Un certain Conjuring : les dossiers Warren. Qui fut grandement apprécié par la presse et le public. Et en le regardant, l’évidence nous saute aux yeux !

Avant d’entamer cette critique, faisons un petit récapitulatif de ce qu’est le cinéma d’horreur actuel. Un genre qui a vu sa qualité chuter à une vitesse folle, malgré le fait de garder sa notoriété (beaucoup de spectateurs restent adeptes). Les raisons : les films ont beau s’accumuler, ils n’arrêtent pas de se copier ! Combien de similis Exorciste avons-nous vu depuis le film originel de William Friedkin ? Combien de suites chaque film a-t-il eu (encore L’Exorciste, Massacre à la Tronçonneuse, Les Griffes de la Nuit, Vendredi 13, Saw, Scream…) ? Et de remakes/reboots (Amityville, Les Griffes de la Nuit, Vendredi 13, Massacre à la Tronçonneuse, La Malédiction…) ? Sans oublier le fait de vouloir surfer sur la vague du succès sans pour autant renouer avec (la mise en scène du Projet Blair Witch et de [REC] singés par Paranormal Activity, Le Dernier Exorcisme…) ? Bref, le cinéma d’horreur est le parfait exemple de la déchéance hollywoodienne : se faire du fric sans jamais se renouveler, sans faire preuve d’originalité. Il n’y a qu’à voir le script de Conjuring, qui reprend une histoire de maison hantée par un ancien démon, à l’instar d’Insidious et consorts ! Du coup, on s’ennuie facilement et on attend toujours le moment qui doit nous faire sursauter d’effroi. Et ce malgré les millions qui sont mis en jeu, pour des films encore plus tape-à-l’œil et pour une réussite au box-office pas forcément assurée (encore plus scandaleux)!

James Wan est celui qui, avec énormément de sobriété, est arrivé à nous faire peur avec Insidious, malgré le manque d’originalité. Il prouva ainsi qu’il n’avait pas besoin d’une surdose d’artifices visuels, musicaux et sonores pour titiller notre adrénaline (beaucoup de films semblables, avec tous ces effets, n’y parviennent même pas, c’est pour dire !). Lui, il lui faut seulement de bons acteurs (Rose Byrne et Patrick Wilson étaient convaincants), une bonne photographie, et son talent de monteur et de metteur en scène fait le reste ! Eh bien maintenant, il temps de vous dire qu’avec Insidious, vous n’avez encore rien vu ! Conjuring étant l’aboutissement de son travail au service du cinéma horrifique.

Encore une fois, on pourrait critiquer l’histoire du film, qui reprend la thématique mille fois vues (surtout en vogue depuis Paranormal Activity) de l’entité démoniaque hantant la demeure d’une bonne famille. Avec notamment les éternelles ombres qui passent un instant à l’écran, les silhouettes qui apparaissent sous un certain angle de vue, les portes qui claquent ou s’ouvrent toutes seules… Sans compter que Conjuring arbore ce slogan (« d’après/inspiré d’une histoire vraie) devenu une norme des films d’horreur actuels, sans qu’on y croit un seul instant (que cela s’est réellement passé). Et pourtant, malgré tous ces prétendus clichés, Conjuring surprend grandement !

Notamment par la qualité de son scénario. S’il n’atteint pas des sommets d’originalité (encore et toujours), le film propose toutefois des personnages assez fouillés avec le couple vedette des Warren, véritables chasseurs de fantômes ayant réellement exercés dans les années 60-70. Des séquences qui ne vont jamais dans l’excès (hormis un dénouement exagéré qui reste toutefois spectaculaire). Et même le génie d’user (enfin !) d’incohérences scénaristiques propres au genre à son profit (dans Conjuring, un personnage ose enfin poser la question qui nous hante depuis plusieurs films : « Mais pourquoi ne partez-vous pas de la maison ? »). Cela en devient palpitant, intrigant et parfois délectable.

Et, bien entendu, niveau frisson, Conjuring réussit là où plusieurs longs-métrages se cassent les dents : il nous fout les chocottes ! Bon, ce n’est pas L’Exorciste, mais encore une fois, la sobriété de la mise en scène de James Wan y est pour beaucoup, instaurant une ambiance tout simplement maîtrisée. Pas d’artifices à gogo, juste des plans bien filmés et montés. Le tout chorégraphié avec savoir-faire ! Avec l’excellente idée de raconter cette histoire qui se passe dans le passé (1971), nécessitant des décors, des accessoires et des costumes qui rappellent les vieux films. L’époque où, justement, la surdose d’effets n’était pas nécessaire pour effrayer. Ici, ils sont justes utilisés brillamment pour le final. En plus de comédiens véritablement crédibles, notamment le couple formé par Patrick Wilson (oui, encore lui !) et Vera Farmiga (Les Infiltrés, In the Air, Esther). Et en bonus, vous ajoutez tous ces ingrédients, et vous obtenez enfin « une histoire vraie » à laquelle il est possible d’y croire !

Oui, vous l’aurez compris, James Wan va nous manquer. Il va manquer au cinéma d’horreur, même s’il lui arrivait de se fatiguer un peu (Insidious : Chapitre 2, suite manquant toujours d’originalité et qui rabâchait sur la fin, tout en gardant une certain efficacité). Car, avant de revoir un film horrifique du même niveau que ce Conjuring, un 30 février aura eu le temps d’apparaître sur le calendrier. Des dents pousseront dans le bec des poules. Les vaches voleront. Ou les producteurs auront l’excellente idée de nous livrer un film semblable à Sinister. Hâte de voir ce que vaut James Wan à la tête d’un blockbuster ! En espérant qu’il ne perde pas sa simplicité et son efficacité.

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