Ils auraient dû envoyer un poète

Autant dire que Contact avait tout pour me séduire (et il a réussi une bonne partie du film), avec un sujet similaire au film Premier Contact de Denis Villeneuve, une adaptation d'un roman du scientifique Carl Sagan, un réalisateur (Robert Zemeckis) doué, et un casting alléchant.


Jodie Foster, toujours aussi à l'aise dans ses rôles, incarne une chercheuse du programme SETI visant à détecter d'éventuelles traces de vie extraterrestre.
Le film pose le cadre psychologique du personnage avant de contextualiser sa recherche dans l'Amérique financière, où les budgets de la recherche scientifique sont menacés par la vision industrielle, la spécialisation professionnelle, et le fanatisme religieux.
Puis, nous sommes immergés dans les implications sociales, philosophiques, culturelles, de ce que serait l'éventuelle découverte d'une réponse extraterrestre aux messages émis par le programme SETI ou par les hommes en général.


Ce scénario empreinte à un roman de Carl Sagan, scientifique célèbre pour ses vulgarisations et son programme SETI, qui fut aussi un grand progressiste (dans le sens du XXème siècle..).
La réalisation est formidable, et la scène du voyage reste marquée dans les esprits, mais le scénario et son message, fidèles au roman si l'on en croit ceux qui l'ont lu, n'en est pas moins dérangeant lorsque l'on est préoccupé par la place que prend l'émotionnel sur la rationalité dans la description du monde.


Matthew McConaughey incarne de ce point de vue un gentil lourdingue dont la tête se dresse inlassablement comme un cou de girafe lorsque quelqu'un pose la question "croyez vous en dieu ?"
C'est malheureux parce qu'il joue vraiment très bien, mais c'est la troisième fois que je le vois dans un film, et à tous les coups (encore plus ici parce qu'on est dans le vif du sujet), je ne peux m'empêcher de penser à son rôle dans Interstellar aux prises avec les autorités terriennes du moment et rêvant manifestement déjà de s'évader de cette réalité crue dans un voyage spatial vers les émotions et les sentiments. Or, qui dit Interstellar dit Nolan, et qui dit Nolan, dit trilogie Dark Knight, et qui dit Dark Knight dit Christian Bale et son sourire béat pour séduire la jolie voleuse peut-être pas encore trop éloignée du droit chemin dans le troisième volet. Quand un tel enchaînement d'images mentales se produit ça fait beaucoup d'âneries à supporter en quelques secondes.
Si le ridicule ne tue pas (contrairement au fanatisme religieux), il faut voir par quels moyens le pieux théologien incarné par Matthew McConaughey ébranle petit à petit les principes de sa compagne scientifique, la ramenant à l'amour de son père (what ? Quand on sait que la mort précoce de ce dernier a fortement marqué la jeune héroïne et sa vocation !), un registre émotionnel à des années lumières (c'est le cas de le dire) dans une discussion sur la preuve des causes de l'existence des choses. A ce stade là, le film ressemble à un manuel de manipulation pour les jeunesses d'on ne sait quelle secte protestante américaine. Ca n'aurait pourtant rien d'aussi tragique si le gentil garçon n'avait pas l'air aussi innocent dans ses affirmations, à croire qu'il s'applique la manipulation à lui-même.


Mais passons, car le pire est au coeur du dénouement, -spoil- lorsque subitement la communauté scientifique abandonne toute poursuite de compréhension du phénomène potentiellement historique qui vient de se produire quand bien même il y aurait en réalité bien une preuve que quelque chose est à approfondir ! Et la pauvre chercheuse, visiblement tourneboulée par son expérience comme le seraient ces gens ordinaires après une EMI (encore focalisé sur la relation père-fille comme par hasard), n'est pas mise au courant de cette preuve. La voilà donc qui s'en va avec son amant gentil vis à vis duquel elle n'a désormais plus que des sourires affectifs quand il déblatère sur la croyance.


Au final, on se dit comme le personnage de Jodie Foster que si c'était pour en arriver là, il aurait fallu envoyer un poète, pas un scientifique. C'est une plutôt belle réplique dans une magnifique scène, mais ça ne justifiait pas tout ce discours sur le conflit très tendu entre science et foi dans un pays fondé par des hérétiques européens exilés.
On aurait pu avoir une réflexion toute autre sur le rôle de la foi, de la croyance, non pas dans le domaine de la connaissance (où elle demeure assurément hors sujet) mais dans celui des motivations humaines. Au lieu de cela, le film donne l'impression d'essayer lamentablement de rassurer un public prosélyte qui serait tellement aux aguets qu'il faudrait à tout prix les flatter d'une manière ou d'une autre. Ce n'était probablement pas l'intention de Carl Sagan, bien qu'il ait pu tout à fait, par contre, vouloir interroger la science au regard de la foi, lui qui estimait que la spiritualité et la science étaient profondément reliés.


Je mets 3 étoiles pour la réalisation, trois pour le casting, et une pour le sujet.

Greenbat85
7
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le 14 juin 2021

Critique lue 134 fois

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Greenbat85

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