Pas KO mais c'était un beau combat

Succès surprise (et mérité) à sa sortie, Creed permettait au mythe de Rocky Balboa de perdurer en assurant une transmission aussi agréable que stimulante. Car à moins d'être tombé de la dernière pluie, il était acquis qu'Adonis Creed (fils d'un certain Apollo) allait vite renfiler les gants. Trois ans après, nous y revoilà. Et cette fois, Adonis et son coach Rocky auront fort à faire, puisque l'adversaire du jour se nomme Viktor Drago, fils du bien-nommé Ivan Drago (également son entraineur). Oui, le tombeur d'Apollo Creed -et accessoirement cause de sa mort sur le ring- il y a trente ans. Les rancœurs du passé ont la peau dure, mais l'esprit de vengeance sera-t-il suffisant pour surmonter cette épreuve?
Ce deuxième opus est évidemment un évènement. Une suite à Creed certes, mais également un volet qui s'envisage comme le miroir de Rocky 4. Autant dire un défi à haut risque. Pour être honnête, Rocky 4 était loin d'être autre chose qu'un nanar typique de l'ère Guerre-Froide, où le vaillant boxeur américain Rocky affrontait le cruel athlète russe Drago. Ce quatrième opus creusait la tombe du mythe, enseveli sous une montagne de clichés embarrassants et un sous-texte douteux. Une caricature grotesque même si sacrément drôle. Le genre de film qu'on prend plaisir à regarder pour passer une heure et demie de bonne rigolade entre amis. Mais bien loin de l'idée qu'on se faisait de Rocky. Creed 2 devait donc si possible être une vraie suite à Creed plutôt qu'une répétition du ridicule Rocky 4. Et ça, Sylvester Stallone (également co-scénariste cette fois) et le réalisateur Steven Caple Jr l'ont bien compris.
Le film n'est heureusement pas la célébration du triomphalisme à l'américaine face à la froideur sanguinaire russe. Intelligemment, le film décide de regarder dans les yeux ses deux vétérans (Rocky et Ivan) : deux reliques d'une époque qui les a boulotté pour mieux les recracher encore bien amochées. De cet âge, il ne reste que des souvenirs douloureux et des regrets éternels. Il y a quelque chose d'incroyablement touchant à regarder ces deux figures dont la carrure a commencé à se flétrir et qui pourtant tentent, vaille que vaille, de faire face. L'un en tentant de dissuader son élève à se battre pour éviter de revivre ces heures sombres, l'autre en poussant son fils au combat dans l'espoir d'entrevoir de nouveau la lumière.
En parallèle, le script s'attache à montrer le jeune Creed au moment où les grands moments doivent s'accompagner de grandes décisions pour éviter de reproduire la tragédie familiale. Le film se montre à la hauteur de la hype et de son prédécesseur. La réalisation de Caple Jr se refuse à copier Coogler. Grand bien lui fasse : on ne retrouve peut être pas de plans-séquences qui détonnent, néanmoins le rythme est aussi bien tenu et les scènes de combats sont tout aussi féroces. Les comédiens sont unanimement remarquables : Michael B Jordan bien sûr mais aussi Stallone qui tire sa révérence avec grande classe. Dolph Lundgren propose également un répertoire plus ample qu'il y a trente ans. Dans le rôle de Viktor, Florian Munteanu a peu de temps pour briller, mais s'en tire plutôt bien.
Le regret que j'aurais concerne la "partie russe" du film si je peux dire. Le film esquisse bien une piste émotionnelle chez les Drago. Malheureusement sur les 2h10 de film, on passe trop peu de temps à leur côté pour qu'elle puisse avoir un poids considérable. C'est vraiment dommage car le jeu de Lundgren tendait vers beaucoup plus de sensibilité. Un plus grand temps d'apparition aurait pu permettre aux personnages d'Ivan et Viktor d'emporter Creed 2 vers des sommets. Il y avait vraiment matière à sculpter le colosse de Viktor pour y découvrir l'enfant malheureux tout autant que l'adulte névrosé missionné pour laver l'honneur familial. On passe donc tout près de la suite meilleure que l'original. Elle a au moins su ne pas travestir ce qu'il est, et d'une belle façon. Et offrir une porte de sortie royale pour Stallone, qui transmet les gants à son disciple avec son humilité légendaire. Ça fait déjà pas mal, beaucoup plus que ce que j'en attendais. Cette nouvelle saga est décidément robuste.

ConFuCkamuS
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le 25 juil. 2019

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ConFuCkamuS

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