Après avoir produit et en partie réécrit le scénario d'Hypercube, Ernie Barbarash passe cette fois-ci carrément à la réalisation (en plus de l'écriture). Et au vu du final un peu putassier du (mauvais) second volet de la trilogie, laissant sous-entendre une suite sans pour autant laisser de piste sur la nature de celle-ci, on pouvait avoir peur. Très peur.


Mais étonnamment, Barbarash surprend en laissant complètement tomber Hypercube pour proposer une préquelle avec ce Cube Zero (2004). Et force est de constater que le bougre a eu quelques bonnes idées.


En effet, sa manière d'étendre l'univers du cube est intéressante. On suit principalement deux personnages, Wynn et Dodd, qui sont les opérateurs d'une précédente version du cube (qui prend un style industriel pour l'occasion, plutôt inspiré mais pas au niveau du premier film). Leur job consiste donc à pister et à tester les malheureux prisonniers du labyrinthe. Sauf que les personnages sont eux même coincés dans leur salle de contrôle, n'arrivant même plus à se souvenir de la dernière fois où ils ont étés dehors. En dehors du cube, mais prisonniers du même système, en somme (ce qu'on nous explique de manière bourrine en fin de film pour les trois idiots qui n'auraient pas compris). Et avec un rôle moralement très ambigu (le fameux "je ne fais que suivre les ordres").


Au niveau de la symbolique, Barbarash pousse encore une fois Cube Zero dans une direction intéressante, quoique de manière parfois un peu maladroite. Si le cube est bien l'enfer, c'est logiquement dieu qui est aux commandes (symbolisé par la direction "Up" de l'ascenseur, et via ses émissaires, des sortes d'anges technologiquement supérieurs à Wynn et Dodd). Le "but" du cube serait de tester la foi des hommes façon Job (donc de manière très tordue si vous voulez mon avis). Et la salle de contrôle, coincée entre le paradis et l'enfer, est un purgatoire.


Autre point fort du film : le jeu d'acteur de Wynn et Dodd, tout à fait convaincant, ainsi que celui Jax le superviseur, même si son ton cabotin tranche parfois trop avec le reste du film.


Après, Cube Zero possède pas mal de défauts. Toute la partie dans le cube avant l'entrée de Wynn est profondément inintéressante, et je n’achète pas vraiment son obsession pour Rains. Le cube lui-même est relayé au second plan, ce qui n'est pas un soucis en soi, mais certains de ses aspects (les trois sorties ou la différence entre points et virgules) ne sont pas expliqués. Idem pour la partie happy ending concernant Rains, que je trouve forcée.


Sauf qu'on peut nuancer ce dernier point en faisant la remarque suivante : Cube Zero s'inspire manifestement de Brazil (1985). D'abord visuellement, avec l'esthétique industrielle, l'utilisation d'une courte focale dans la salle de contrôle et les lumières très contrastées. La maestria de Gilliam en moins. Ensuite dans sa vision bureaucratique et absurde du travail de Wynn et Dodd dans un environnement totalitaire. Mais surtout, dans son histoire : dans les deux films, on suit un employé du système, beaucoup trop intelligent pour son poste, tomber amoureux d'une femme qu'il n'a jamais rencontrée et se rebeller contre l'institution en place. D’où le lien avec la fin du film :


Wynn dans Cube Zero comme Lowry dans Brazil finissent capturés, et subissent une torture qui va les pousser à la folie. Or, dans Brazil, Lowry s'imagine un happy end où il parvient à s'échapper. On peut donc se demander si le happy end où Rains retrouve sa fille dans les bois n'est pas, lui aussi, le produit de l'imagination du héros entrain de perdre la raison.


Je trouve l'idée séduisante, mais cela n'a d’intérêt que si on connait Brazil...


D'ailleurs l'autre idée de fin, Wynn devient en réalité Kazan, l'autiste surdoué du premier film, est loin d’être bête, mais le fait de ne pas faire le lien directement avec le début du premier Cube mais un autre cube n'apporte pas grand chose je trouve.


Bref, Cube Zero est une suite/préquelle beaucoup moins idiote qu'Hypercube. Loin d’être le chef d'oeuvre qu'est le premier film ou son inspiration principale, Brazil, il reste une relative bonne surprise dans cette trilogie.

Bastral
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le 30 juin 2020

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