Une route en noir et blanc sur laquelle une voiture avance péniblement dans un spectacle désertique. Ça sent le grand ouest américain. Puis on zoom sur la voiture. Elle est poussée; par un gros à l’accent américain. Dedans un maigre pas très en forme qui conduit, la fait emboutir un poteau pour l’arrêter. Il n’en peut plus. Il a mal au dos. Le gros lui enleve une grosse mitraillette du dossier, on comprend pourquoi ça le gênait. Un constat, il conduit à droite. Le gros part. Le maigre reste affalé sur son volant.
En une minute on est perturbé.
On n’a pas exactement ce que cela pourrait laisser croire. Pas une course poursuite de gangsters dans le grand ouest désertique. Plutôt une fuite au ralenti d’un duo grotesque sur une côte britannique vide.
Deuxième scène, le gros s’invite dans un château médiéval qui surplombe la mer. Des poules partout, il mange des œufs. Des gens peuplent le château. Un couple salue des amis qui partent en bateau pour nulle part.
Reste le couple et le gros s’invite presque poliment puis prend possession du château des châtelains. Pas une prise d’otages mais ça y ressemble.
Le couple est bigarré. Elle très belle. Jeune. Lui plus âgé, mou, absent, un peu artiste.
Que font-ils ensemble ? Ils sont mariés. On ne sait pas. Et c'est tout ce qu'on apprendra d’eux.
L’occupation du château se poursuit. Le mari est écrasé par le gros. L’ami malade du gros meurt et est enterré dans le jardin. La jeune femme à moitié nue courre et bondit.
Le gros semble attendre quelqu'un qui viendra l’aider. Personne ne viendra.
On attendrait godot que ce ne serait pas différent.
L’isolement resserre les liens. On sent une tentative de rapprochement entre le couple et le truand. Le gros semble encombré par le couple. Rien ne l’attire, pas même la jeune femme. Il semble préoccupé par sa sortie, et l’exprime.
Mais le trio trouve son rythme et paraît s’accommoder de leur situation.
À tel point qu’une visite impromptue, un gosse mal élevé, un couple importun, est refoulée violemment. Les rôles à cette occasion se mélangent. Le mari devient ferme et autoritaire, le truand joue les valets, la femme joue la maîtresse de maison.
Ils finiraient par aimer ce faux mariage à trois.
Mais l’on s’ennuie.
Jusqu'à ce qu’une fessée vienne débloquer la situation. Coquin n’est ce pas. Cela réveille les instincts viriles du mari et conduit le peureux au crime passionnel. Le gros est mort. Le mari devient fou. Un ami éconduit tombe à point nommé et la jeune épouse s’en va avec lui.
En définitive le meurtre ne libère que la jeune femme qui parvient à s’extraire de ce château du bout du monde laissant son mari à sa folie.
On nage dans le flou pendant tout le film. Rien n’est fait pour apporter des explications à la situation. On en reste aux apparences. On subit les événements sans explication. On ne s’accroche à l’histoire de personne. On ne saura donc rien de ce qui unit le couple, rien de ce qui les a amené dans cet endroit ni pourquoi ils y restent. On n’apprendra pas plus du bandit et de son compagnon de fuite, ce qui les a amené là ni pourquoi le maigre meurt.
La réalité semble absurde. Les propos sont parfois incohérents. On est comme dans un rêve mais un rêve qui tourne mal. On ne comprends pas pourquoi on est là. Les situations se superposent, arrivent sans explication, disparaissent de la même façon. On ne controle rien, et on ne comprend pas grand chose.
Et on se réveille à la fin de ce film bercé par la musique, un peu groggy. Comme dans les cauchemars il y a une certaine joie à se réveiller et à revenir à la réalité. On sort de là avec une petite gueule de bois. De ces gueules de bois qu’on sait qu’on va avoir quand on boit un peu trop mais qu’on boit quand meme. C’est pareil ici. Rien que pour ce petit moment après le générique, et même si on a rien compris, on peut se dire que ça finalement la peine d’aller jusqu’au bout...