"J'ai fait de mon mieux pour être heureuse. Mais la mort rôde."

C'est la chronique d'une mort annoncée.
Une mort d'autant plus cruelle qu'elle semble avoir poursuivi sans relâche, à chaque tournant, la vie de l'une des chanteuses françaises les plus populaires du XXe siècle.
Porté par une Sveva Alviti transcendée et transcendante, le film laisse planer quelques doutes pour les premières minutes. Le doute, et surtout la peur, qu'il rate la marche la plus importante, celle que de nombreux biopics manquent parfois sans même s'en rendre compte. On craint en effet qu'il rate la dimension émotionnelle phénoménale indubitablement liée à la personnalité de Dalida. À fleur de peau tout au long de sa vie, il est souvent difficile de retranscrire le secret et l'intimité d'une telle existence, bousculée par les épreuves. Pourtant, plus l'on avance et plus l'on se conforte, rassuré et inquiet à la fois, d'une certitude tragique : on ne nous épargnera rien. Tous les échecs, tous les fantômes, tous les vides et tous les cris jalonnent le film d'Azuelos. Le casting se rassure en faisant appel à quelques grands habitués du genre (comme Jean-Paul Rouve, déjà remarqué dans La Môme, en père d'Edith Piaf), tout en donnant ses rôles à quelques acteurs que l'on aurait presque oublié, tant ils se font (malheureusement) rares. On citera Vincent Pérez, étonnant et élégant en Eddie Barclay, le très charismatique Riccardo Scamarcio (Orlando), ou Nicolas Duvauchelle, insupportable dans la peau du capricieux Richard Chanfray.


Inutile de revenir sur les jeux de lumière, sur l'atmosphère des différentes époques retranscrite à merveille, sur la qualité du jeu des interprètes. Inutile. Ce qui frappe, ce qui marque, c'est bien cette faucheuse qui plane en cercles concentriques autour de la Gigliotti, décimant les uns après les autres, tous les hommes de sa vie. Du père au premier mari et mentor, c'est presque une rumeur de malédiction qui tourne autour des idylles de la chanteuse, jusqu'à son incapacité à donner la vie, suite à son avortement. Une rumeur d'autant plus intrigante par le nombre incroyable de suicidés dans son entourage (pas moins de quatre !), parfois dans des circonstances plus que troublantes. Certaines âmes sont vouées au malheur, et il semblerait bien que Dalida fasse partie de ces êtres n'aspirant qu'à l'amour, mais vouant une attirance et une fascination malsaine pour cette fin qui les guette.
Lentement, tout n'est plus devenu que souffrance. Souffrance d'aimer, de manger, de sourire, de vieillir, de chanter, de vivre. Seule.
La performance d'Alviti, sa beauté et son charme à l'orientale mâtiné d'accent italien à en tomber, touche au but, et nous renvoie l'image d'une femme se sachant condamnée à ne jamais trouver l'homme qui, peut-être, l'aurait sauvée du gouffre.


J'attendais ce film comme je redoutais sa malhonnêteté et son cabotisme. Mes prières ont été exaucées : pas besoin de voir Mike Bryant ou Alain Delon. Pas besoin de s'éterniser sur la stérilité de l'icône. Rien n'est lourd, rien n'est maladroit. Le film déroule son histoire, qui pourrait ressembler à un conte, comme la vie de beaucoup de stars de cette époque. Cette époque des années 60, 70, tellement kitch, mystérieuse et ambiguë à la fois, marquée par les fantômes de la Seconde Guerre mondiale dont tous ces artistes eurent à souffrir.
Dalida a rempli son office.
L'hommage est beau, grand, léger et terrible à la fois. On n'est pas loin de la brillance de La Môme. Vraiment pas loin.

SerenJager
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le 6 mai 2017

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Seren_Jager

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