Le potentiel dramatique de Gustave Kervern, l'ambiance rock de départ, le beau rôle annoncé pour Deneuve. Le nouveau film de Pierre Salvadori s'ouvre avec plein de promesses. Dans une veste bleu-roi claquante, Antoine refuse de suivre les notes musicales. Il s'enferme dans sa loge laissant derrière lui sa vie d'artiste. Mathilde aussi plaque un quotidien plein de vie. Son engagement associatif remplissant ses longues journées de retraite est admirable. Mais au moment précis de leur rencontre ils abandonnent pleinement et définitivement leurs propre passions. Tout juste aperçue, la vivacité s’éteint. Alors quand le ciel s'assombrit, que l'atmosphère devient terne, il y a avant tout de la frustration.
"Dans la cour" se rythme malgré tout sur un humour absurde. Mais dans ce ton grisonnant les plaisanteries ne sont pas toujours éloquentes. Le propos aurait certainement été mieux défendu avec un scénario purement réaliste. Ce qui n'aurait pas affecté la drôlerie des personnages, au contraire. La simplicité d'Antoine et la folie de Mathilde se marient drôlement bien. Gustave Kervern donne une maladresse et une béatitude à la fois touchante et amusante. Ça n'est pas toujours dans l'excessif que c'est le plus drôle. Pas besoin de surenchérir et de grossir les traits des personnages jusqu'à être dans le surréaliste.
Et puis le ciel gris se dégage avec encore de la grisaille mais bien plus de clarté. L'épilogue de Catherine Deneuve met concrètement en avant la tragique destinée d'Antoine. Elle nous transmet son recul dans la lecture que son personnage fait de sa rencontre avec celui de Kervern. On comprend donc mieux tout l’intérêt de mettre en contraste le passé exaltant et le présent déchu d'Antoine et Mathilde. "Dans la cour" se croisent deux personnes débordés par un trop plein de vie. Ou plutôt une immense générosité qui ne trouve jamais de répondant. Si ce n'est justement l'un envers l'autre. C'est en cela que la présence d'Antoine apaise Mathilde. Il se complètent dans leur différence bien-sûr mais aussi dans cette même bonté et entrain.
"Dans la cour" est un film touchant dans son histoire de vie. Dommage cependant qu'il ne soit pas plus pragmatique dans son écriture. Le mélange de tragique et d'humour n'est pas à la hauteur du potentiel que dégage la parfaite simplicité du récit, des personnages et des acteurs