Ozon revient avec un film qui ne laisse pas le moindre doute sur sa paternité, parce que ce huis-clos entre comique et tragique porte à coup sûr la griffe ozonienne.
Pourvu d’un beau casting et d’une intrigue insidieuse, d’un humour intellectuel délicieux et d’une mise en scène intimiste, il séduit à la manière de Swimming pool, en nous faisant pénétrer dans une propriété privée de la middle class de façon à la fois sans gêne et subtile avec une mise en scène et une narration faussement lisse et transparente, car on le sait : les films de Ozon renferment toujours un secret inavouable où la vérité est souvent indiscernable. Ici c’est le cas, à tel point que le partis pris adopté est de croire sans voir et qu’on nous invite à faire un petit saut dans la foi pour se concentrer sur le contenu raconté et non sur l’authenticité des faits.
On se rappellera Ludivine Sagnier dans 8 femmes en voyant le jeune Claude (Ernst Uhmauher) déambuler silencieusement dans les couloirs, observer les habitants à leur insu dans leur intimité dans une froideur curieuse comme un laborantin observe des sujets évoluer dans un bocal au cours d’une expérience dont il est à l’origine. Ici c’est une expérience littéraire insidieuse supervisée, malgré lui, par Germain, le professeur de français de Claude qui s’est rapidement fait embarquer dans cette situation et dominer par son élève dans une dialectique aussi certaine qu’hors de contrôle engendré par une fascination littéraire et le goût des belles lettres, le tout ravivé par une narration haletante en temps réel au fil des copies.
C’est avec ironie et plaisir que Claude se livre à ce jeu dangereux, avec une attente fiévreuse aussi : changer de vie et survivre en attendant, ce qui semble être un jeu d’adolescent désoeuvré ne l’est pas en réalité. Comme d’habitude avec Ozon, la légèreté apparente n’est qu’illusion, derrière l’humour se trouve le terrible. Fort en psychologie et soigneusement dosé, cette intrusion est une réussite qui soulèvent les névroses tout en ravissant les coeurs.