" Une odeur retint mon attention ; l'odeur si singulière des femmes de la classe moyenne ". Voici l'accroche, le leitmotiv, et la phrase qui porte toute entière Dans la maison. Alors que les premières images présentent un lycée à l'architecture très contemporaine, qui n'a d'égale que celle du labyrinthe du Minotaure, qui tranche avec Entre les murs, on voit d'office que nous avons plutôt à faire à Entre les lignes. Peu à peu, on s'éloigne du lycée, de la condition du professeur et de la condition d'élève, " Monsieur " étant vite éclipsé par " Maestro ", et Claude n'étant jamais appelé par son nom de famille, contrairement à Raphaël pour ne citer que lui. L'élève se laisse aller à ses désirs, à l'encontre totale du professeur, qui, avec toute l'ambiguïté qui caractérise le film, l'encourage à poursuivre ce qui mènera ledit professeur, un peu réactionnaire et archaïque à sa perte. Car Luchini n'est jamais dans un personnage, évidemment, c'est de lui et de son image de fanatique de l'absolutisme des mots qu'il joue, de vieux, d'aigri, de passionné qui se contente de dire qu'il l'est pour prendre les gens de haut et pour chercher tout le temps le " à suivre ". " À suivre " qu'à extrêmement bien compris l'élève, Claude, dont le regard et le sourire lui assureront d'ici dix ans un emploi absolument fabuleux et remplis d'espoir, ou alors je me fais prêtre.

Car, même sans éclipser l'univers scolaire et pédagogique, à l'occasion montré du doigt avec humour, Dans la maison fait du désir tout son objet. Et on revient aux bases de tout art, qui ai bien raison de se garder d'être aussi hermétique que celui de la galerie du Minotaure qui présente une parfaite caricature de l'art visuel contemporain, les bases du spectateur, du public, du " pour qui " bien plus que du " pourquoi " inutile et puéril, en un mot, de la perception. Je trouve ma critique assez " absolue " par rapport à d'habitude, c'est étrange par rapport à toutes les potentialités d'interprétation, autant par les dialogues que par les images, que dégage le film, même si, assez souvent, il montre un certain nombre de messages faciles et se révèle didactique. C'est d'autant plus impardonnable que le sujet reste l'éducation dans un lycée, et que profiter de ce cadre pour donner des leçons était d'une facilité déconcertante qu'aurait pu nous épargner François Ozon.

Mais le désir est là. Le personnage sublime est là, et Esther, quel prénom, aucun ne pouvait s'y prêter mieux, le voyeurisme est là, le désir secret est là sans atteindre la connerie psychanalytique, le spectateur est là, caché, il voit sans être vu. Et c'est le cas de tout le monde dans ce film, tout le monde est vu, personne ne voit, la clarté des caractères est telle qu'on peut adopter aussitôt le point de vue de chaque personnage, manipulé par-ci par-là au fil de l'intrigue et du " Que va-t-il se passer ? ". Théâtral, symboliste presque, rejoignant le voyeurisme cher à Maeterlinck aussi bien qu'à Hitchcock, ramené à la vie par l'image finale des fenêtres sur cour, onirique, un peu trop peut-être, notamment vers la fin, même si les images sont là et qu'elles brillent, Dans la maison reste une mine infinie de points de vue, de trous dans la serrure, d'intrigue, de personnages et de lieux sublimes, de désirs, de besoin même de désirer sans cesse et d'être prêt à tout pour cela. Dans la maison est troublant dans le mélange qu'il opère entre réalité et onirisme, un peu comme ce que m'inspire Esther, le film si bien nommé que je n'ai pas encore vu mais qui m'intrigue tout autant.

Dans la maison fait partie de ces films qui m'ont donné une sensation étrange à la sortie, qui poussent à les saisir de suite pour en faire quelque chose, pour retrouver les mots, les yeux, les sens, la fin, et la faim.
Ashen
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le 17 août 2013

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Ashen

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