Un jeune couple qui quitte son domicile New-Yorkais, pour s'installer dans une demeure ancienne et recluse...
Des événements surnaturels qui s'y manifestent progressivement, tourmentant leur enfant, provoquant la sévère incrédulité du père de famille et la délitation du couple...


Ce pitch de départ donne aisément l'envie de lever les yeux au ciel tant il a été lessivé par des décennies de films d'épouvante ultra codifiés, encore plus lorsqu'il s'agit d'une production estampillée Netflix. Toutefois, assez impressionné par les noms figurant au casting et notamment saisi par l'envie irrépressible de revoir Rhea Seehorn (formidable Kim Wexler dans Better Call Saul), je décide de lui donner sa chance.


Dans les angles morts prend le parti du contre-pied. Pas celui qui nous frustre et dissipe nos espérances, mais plutôt celui qui fait gentiment sourire ceux qui aiment être surpris. Derrière ce pitch simpliste de film d'épouvante, le spectateur trouvera un film riche, mélangeant plutôt habilement les genres et les influences. On balance entre le drame familial et le thriller, où le surnaturel n'est finalement qu'une toile de fond, un prétexte pour souligner la gravité de situations qui sont terriblement ancrées dans notre réalité. Ce procédé m'a agréablement rappelé les deux saisons de The Haunting de Mike Flanagan, qui a su mettre le surnaturel au service d'une dramaturgie parfaitement réaliste.


Le déroulement du film nous éloigne progressivement de la peur induite par les esprits pour nous rapprocher de celle de la violence conjugale. Il s'avère en effet que George est un superbe spécimen de pervers narcissique, manipulateur et égocentrique, dont le comportement toxique et les actes immoraux vont conduire son entourage droit en enfer. C'est lui qui donne réellement au film son tempo, les manifestations de l'au-delà ne faisant finalement que lui répondre en écho. Efficacement interprété par James Norton, il est, à l'image du reste du casting, toujours juste et convaincant. Menant cruellement son mariage à la dérive tout en travaillant en permanence son image d'homme idéal, suivre ce personnage se révèle être une expérience aussi horripilante qu'instructive : les mécanismes des pervers narcissiques y sont parfaitement visibles.


Face à ce mari monstrueux, Catherine finira par trouver du soutien chez les autres personnages du film, qu'ils soient de chair et de sang ou des manifestations spirituelles d'un passé trouble. Bien plus hanté par le machisme que par un fantôme, le film réussit à emboîter le banal dans l’extraordinaire pour mieux souligner la violence de George, quitte à parfois en faire un peu trop.


Un dernier point important à souligner est la réussite visuelle du film. Inspirée par les tableaux sur lesquelles travaillent les personnages du film, la photographie désaturée est parfois un régal visuel tout en étant en parfaite harmonie avec le fond de cette histoire. C'est particulièrement remarquable aux superbes paysages du nord-est américain et à l'éclairage doux et froid des scènes d'intérieur. Seules les apparitions fantomatiques pêchent, leur aspect numérique et artificiel semblant grossier en comparaison du reste.


Cette inspiration d'art pictural permet de renforcer le parallèle tracé entre l'art qu'on nous montre dans certaines scènes et la réalité diégétique du film. Cette logique quasi prophétique se retrouve également entre les vivants et les morts qui semblent suivre le même parcours,


jusqu'à un final troublant où tout se rejoint totalement, l'âme de George partant à la dérive dans l'une des oeuvres qu'il étudie et celle de Catherine restant enfermée avec celle de sa protectrice.

Rikar
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le 30 avr. 2021

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