Dark Touch,Marina de Van(2013)

Après Ne te retourne pas avec le couple Sophie Marceau et Monica Belluci présenté à Cannes en 2009,Marina de Van revient avec Dark Touch qui utilise le film de genre à des fins psychologiques. Couronné du prix H.R.Giger au festival international du film fantastique de Neuchâtel,Dark Touch est l’occasion d’ausculter le film de genre à la française.

Sous une averse, la jeune Neve (Missy Keating) rejoint la maison de ses voisins bouleversée, ensanglantée sans cause apparente. Une nuit, effilée par des phénomènes étranges qui se produisent dans sa chambre,Neve court prendre son petit frère et se réfugie dans une armoire tandis que les objets s’agitent autour d’ex et tuent leurs parents. Le couple de voisins prend alors sous son aile l’orpheline qui a perdu son frère mort écrasé entre ses bras. Pourtant, même dans ce cocon protecteur, le mobilier continue à gigoter et Neve s’enfonce dans la souffrance…

La force du film tient dans la mise en place d’une ambiance brumeuse sur le spectateur. En tout cas, dans sa première partie, Dark Touch sillonne entre le fantastique et un quotidien banal. Porté par une lumière blafarde, Neve parcourt isolé le monde des adultes qui l’entoure entre gestes de bienveillance et mauvaise interprétation.
Marina De Van, ancienne étudiante de la Femis, émaille son film de nombreuses références horrifiques. En premier lieu, le choix de mettre en avant le monde de l’enfance n’est pas sans rappeler le terrifiant Les révoltés de l’an 2000 de Narciso Ibanez Serrador ou le village des damnés. La réalisatrice puise dans ses antécédents pour construire son film en particulier le cinéma de Cronenberg ou le Carrie de Brian de Palma.
La volonté de laisser la matière fantastique dans une grande opacité dans la première moitié du film renforce cette sensation d’autisme et d’enfermement dont souffre Neve. Marina de Van délivre avant tout une impossibilité de communication entre elle et le monde des adultes. Jamais Neve ne
décrit le drame de sa famille alors que la mise en scène en donne une vision baroque presque giallesque par moment comme refoulement d’une haine violente. Les accents fantastiques ne sont rien de plus que la manifestation des émotions de son héroïne. Mais au départ vu comme des phénomènes extérieurs, la réalisatrice arrive à fondre le visage de son personnage principal au accès de violence où la victime devient bourreau sans de rédemption des deux camps. Oeuvre à la fois jusqu’au boutiste dans sa capacité à dépeindre un monde sans espoir mais aussi de porter un sujet sociologiquement difficile,Dark Touch confère à Neve une morale singulière qui finit par perdre son spectateur dans des allers-retours émotionnels. Car rien ne semble pouvoir être sauvé dans ce monde d’adultes où la comédie de l’éducation est reine.

Les tourments intérieurs de Neve semblent malheureusement perdre en nuance au fur et à mesure qu’ils tombent dans une vengeance aveugle et sans fin. Il faut noter que Missy Keating est très impressionnante tellement son visage angélique est vecteur de candeur mais aussi de terreur. Ne choisissant donc pas la facilité des effets mais bien celui de l’atmosphère cotonneuse nimbée de glauque,Dark Touch utilise le genre comme moyen de transmettre son sujet délicat. Cependant, il n’empêche que Marina De Van se sent titulaire des figures dont elles s’inspirent et conduit son film dans une narration plus basique. On ne peut s’empêcher d’y voir un décalque assez grossier du final de Carrie où compte un effet final grandiloquent. Conscient du genre dans lequel évolue le film, la réalisatrice abandonne l’esquisse pour alourdir son travail de symboles et conduire son héroine à un jeux de massacre régressif. De la même façon, elle ne laisse plus planer aucun doute sur la nature des événements étranges qui parcourent le film. Marina De Van livre clef en main son interprétation alors qu’elle avait réussi à épouser le regard nuancé et fébrile de son personnage principal pour mieux nous perturber.

Dark Touch reste une oeuvre à la tentative de conjuguer fantastique et psychologie intéressant dont le caractère politiquement incorrect s’efface au bénéfice de l’efficacité commune. Mais il vaut mieux tenter que de ne rien faire… A suivre donc!
Sebastien_Perez
6
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le 10 mars 2015

Critique lue 388 fois

Sebastien Perez

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