Quelle beauté, quel ravissement que ce Dersou Ouzala ! Rarement un film n'aura provoqué autant de frissons avec autant de simplicité. Chaque plan est une merveille, chaque silence un moment de réflexion. Petit bonhomme plein d'énergie, Dersou va vite convaincre les soldats russes comme le spectateur de la sagacité, de la sagesse même de sa façon d'être, de vivre et de penser. Il semble pur lorsqu'il répare un abri et y laisse à manger pour son prochain, une personne qu'il ne connaît pas et ne connaîtra sans doute jamais ; il semble fou mais en communion avec la nature lorsqu'il s'adresse aux éléments et les considère comme des vieux amis ; il semble libre lorsqu'il se passe d'argent et s'étonne (furieux même) des lois restrictives de la vie en ville et que l'on puisse vendre de l'eau. Son acuité visuelle, olfactive et sonore démontre aussi que peut-être l'homme trop éloigné de la vie sauvage a perdu en capacité physique même si il l'a compensé par des invention diverses.
Et puis le crépitement du feu, les brindilles et la neige qui craquent sous le pas des voyageurs, la fureur du vent exprimant la violence d'une nature à la fois belle et terrible ; l'ambiance sonore qui se dégage du film de Kurosawa provoque une immersion totale et déboussole le spectateur, finissant de provoquer chez lui une envie irrépressible de partir aux confins de la Russie et de la Chine et de retrouver une liberté totale et une vie pleine de sensibilité, de partage et de simplicité. Tout cela grâce à une vrai œuvre d'art, portée par une interprétation magistrale qui retranscrit à l'écran une relation sincère et touchante.
Dersou Ouzala est une ode à l'amitié, au respect et à la liberté. Une fois que le générique apparait, on est comme extatique, admiratif d'un personnage dont on vantera les qualités humaines, spirituelles mais aussi physiques, et auquel on aimerait véritablement ressembler. Et puis,loin de la nature sauvage, trop ancré dans un mode de vie qui semble inaltérable et définitif, piégé par sa propre condition, par les faiblesses de son caractère et par un système liberticide, on se dit que c'est en vain.
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