De Palmashow

Entre pastiche obsessionnel et série B à petit budget, Domino est un objet cinématographique dont les contours sont flous et le rendu final déroutant.

Le film souffre de difficultés de production évidentes, il s'en dégage une sorte d'abattement et de lassitude dans le jeu "claqué" des comédiens principaux à l'exception peut-être d'Eriq Ebouaney...
- Carice Van Houten toute en chirurgie esthétique ratée campe un personnage sans profondeur aux motivations peu crédibles.
- Nikolaj Coster-Waldau a quant à lui entre les mains un rôle surprenant mais mal exploité : si on lit entre les lignes, son personnage est un looser, bien loin de l'image du super-flic, malheureusement ce que la réalisation et le scénario tentent de nous montrer à son sujet n'est pas relayé par son jeu d'acteur, la faute probablement à la direction d'acteur et à une implication tout sauf significative de sa part.
- Guy Pearce déroule tranquillou, sans trop s'intéresser à un personnage sans ambiguïté. Tu sens les deux journées de tournage vite envoyées...
- Eriq Ebouaney est lui dans le ton de son personnage et offre un jeu de regards d'une qualité supérieure à l'ensemble du casting réuni

Pino Donaggio nous a pondu une parodie de musique à suspense. C'est un galimatias indigne de ce que De Palma semble penser du bonhomme. En gros le chèque devait être maigrichon et il en a donné à la production danoise pour son argent. Le résultat ressemble à une playlist "suspense" d'un clavier Bontempi...

Concernant la réalisation il semble rester des morceaux de De Palma dedans. Ils sont peu nombreux et sont en partie gâchés par une photographie vulgaire. C'est pourtant José Luis Alcaine qui s'en charge. Comme avec Pino Donaggio, on voit que le nom de De Palma fait encore se réunir des gens talentueux... Malheureusement, tous ses gens talentueux ne parviennent pas à faire oublier la prod à deux balles et le début de sénilité de Brian...

De Palma égraine dans ce film une partie de ses lubies mais avec moins de pertinence ou de subtilité qu'avant. Il y est question d'image comme souvent, de support, de regard... Du rapport au morbide et à l'imagerie mortifère d'ISIS. C'est d'ailleurs par le traitement de ce sujet qu'on semble encore voir palpiter le pouls de De Palma. Il évoque avec une certaine efficacité l'utilisation de l'image et de sa propagation grâce à internet. Il évoque aussi les différents regards que l'on peut poser sur ces images : fascination, dégoût, exaltation... Pour le reste, certaines scènes sont poussives, trop appuyées ou De Palmesques à l'excès pour ne pas donner une désagréable impression de déchéance d'un réalisateur que j'affectionne particulièrement... Le montage y est sûrement pour quelque chose et il n'est pas du fait de Brian ce qui peut aussi expliquer pas mal de choses...

Ni totalement mauvais, ni totalement anodin, Domino reste une expérience étrange.

Le cinéma de De Palma a toujours été voyeuriste mais aujourd'hui il me semble que le voyeurisme a changé de sujet, ce ne sont plus le désir, la passion aveugle, la nudité, l'érotisme de la violence qui en sont l'objet mais la lente décadence d'un grand Monsieur du cinéma qui semble se dérouler sous mes yeux et en bon amateur du bonhomme et en voyeur patenté, je ne parviens pas à détourner le regard...