“The dreams in which I'm dying / Are the best I've ever had”

Donnie Darko est un film sans bords, asymptotique, toujours au plus presque, mais qui jamais ne se confond avec la ligne qui pourrait le contenir, et le faire comprendre.

Les années 80 – cette adolescence du monde moderne, une ville fictive curieusement baptisée Middlesex, perdue entre les flans sinueux de deux montagnes, de deux âges, de deux époques, peignée par les dernières lueurs d’un été indien… Richard Kelly ancre son univers à la charnière des temps : charnier de l’innocence d’une Amérique qui confond adolescence et folie, effroyable autisme d’une société contaminée par le puritanisme, avènement d’une politique pathogène et conservatrice, perversion somnambule de la civilisation, imminence consciente de la fin du monde, et de la mort - cette autre fin du monde...

Imminence aussi de l’ouverture prémonitoire du ciel (le film est sorti en 2001)…

Mais Donnie Darko est aussi un très beau film sur l’adolescence, comment elle est baignée dans les fantasmes et les rêves, romantiques ou morbides, comment elle révèle tout à la conscience : la direction du temps, l’essence de l’existence et de son impact sur le monde.

Ambiance hypnotique, à la fois estivale et funèbre, bande son sensationnelle, acteurs remarquables (Jake Gyllenhal subtilement dérangeant en héros aussi innocent qu’inquiétant, Mary McDonnell divine en mère de famille bienveillante et sensée), Donnie Darko est enfin la prodigieuse révélation de la marque de son jeune auteur : avec ses références, nombreuses mais maîtrisées (on pense à l’été de Blue Velvet, au périple à pédales d’E.T., à la banlieue inquiétante de La Nuit des Masques, à l’existentialisme de La Dernière Tentation du Christ…), la virtuosité insolente de sa mise en scène (le voyage dans le lycée, de personnage en personnage…), ses visions pleine d’étrangeté, toujours entre le ridicule et le malaise (Frank, terrifiant…), la dynamique presque liquide qu’il donne à l’écoulement de son récit…

Et sa puissance émotionnelle, impeccablement déployée, jusque dans son superbe final, triste mais apaisé, quand le film nous quitte sur un au-revoir.
Omael
10
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le 27 avr. 2014

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Omael

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