Qu'ai-je envie de dire à propos de ce film ?
Le choix de Rouben Mamoulian de débuter l'action par ce que voit le docteur, mais aussi l'interprétation de Fredric March qui l'incarne à l'écran, créent une proximité dès les premières minutes du film.
Je me sens concerné par ce que vit le docteur et je souffre d'autant plus de le voir pris à son propre piège.
Sa psychologie aussi me le rend sympathique. Un homme enjoué et impatient, un savant passionné qui rêve de se libérer des chaînes de la haute société, par amour.
Sa rencontre avec la belle Ivy est, à mon sens, le moment décisif, bien plus que l’absorption de la fameuse mixture.
Est-ce un hasard si Mamoulian laisse si longtemps se superposer à la scène suivante, les jambes de la jeune femme se balançant. Ce balancement même n'est-il pas à l'image de l'hésitation d'un homme perdu entre la bienséance et ses pulsions les plus primitives.
Je ne sais pas si l'on peut qualifier ce film d'expressionniste mais, les noirs, les blancs, les ombres démesurées, son esthétique puissante, me donne à le penser.
Pourtant, si intenses soient tous les éléments de ce vocabulaire cinématographique, nous ne sombrons jamais dans la caricature et c'est pourquoi ce film n'a pas vieilli et demeure une référence que je n'ai aucun mal à qualifier de chef-d’œuvre.
La façon que Mamoulian a de traiter Mister Hyde est tout à fait originale et il me semble qu'il a voulu en faire, si terrible soit-il, un monstre sympathique. Sa violence est de fait, il ne la souhaite pas. Il est ainsi. L'horreur qu'il sème sur son passage et les meurtres qu'il commet ne sont pas le fruit de mauvaises intentions. D'ailleurs, son visage souriant est presque amusant. Il ne comprend pas le monde dans lequel il évolue et me fait souvent penser à un homme des cavernes s'étonnant des us et coutumes de cette civilisation. Il fait mal, il tue, parce qu'il est ainsi.
Le docteur Jekyll est un ange que l'on ne peut qu'aimer. Mais il a joué avec des forces qui le dépassait. Et par orgueil, il paye le prix fort.
Refusant la double nature inhérente à chaque être humain au lieu de l'accepter, il aura détruit les deux, entraînant avec lui les deux faces du monde et, d'une façon ou d'une autre, gâchant la vie des femmes qui auraient pu l'aimer.