Drug War
6.9
Drug War

Film de Johnnie To (2013)

Il est étonnant de voir à quel point le retour de Johnnie To aux sources du polar à suspense suscite tout autant d'intérêt que de crainte quant à son contenu qui, visiblement, a plié plus ou moins sous la pression du Bureau de la censure de Chine.

Censure probable mise à part, tout comme les remarques idiotes lues sur le net notamment part rapport aux concessions de Johnnie To sur les drogues du fait d'un tournage au Mainland, il est vrai qu'il aurait crié à leurs gloires si le tournage avait eu lieu à Hong Kong (que ne faut-il pas lire), Drug War peut se targuer d'afficher de réelles ambitions visuelles et thématiques, tout autant que les City of Life and Death (Lu Chuan, 2009), Love for Life (Gu ChangWei, 2011), Let the Bullets Fly (Jiang Wen, 2011) ou encore Lost in Beijing (Li Yu, 2007) qui, eux, ont également bousculé la censure.

Franchir la censure, c'est être aussi intelligent que les forumeurs et blogeurs du web chinois, c'est à dire passer par des subterfuges. Car derrière des séquences émotionnelles fortes (la descente du flic après un excès de cocaïne), des filatures démontrant le courage des policiers chinois, de l'humour (Lam Suet, ridicule mais toujours là) et un spectacle de violence ahurissant en fin de métrage, Drug War trace un état des lieux tout sauf réjouissant de "la Chine contemporaine" comme on se plaît à lire là aussi.

Johnnie To et son frère d'arme Wai Ka-Fai font tout de même du cinéma et complexifient leur intrigue en juxtaposant les rôles (formidable reconstitution d'un deal de schnouff dans un hôtel de luxe), créant le doute quant aux motivations mêmes des personnages. Louis Koo, beau gosse malade, cabotine mais sait jouer de son ambiguïté. Très belle peinture de personnages excessifs (les transporteurs), lorsqu'ils ne sont pas tout simplement inouïs, notamment ce duo de sourds et muets gentillets se métamorphosant en anges de la mort le temps d'une séquence de gunfight mémorable. Le cinéaste d'Exilé est de retour, à défaut qu'il délaisse le western typé Macao pour une plongée froide et pesante dans le Dong Bei chinois.

Concessions ou pas, le contrat est parfaitement rempli. Et pendant ce temps-là à Hong Kong, Andrew Lau persiste dans le navrant, Wong Jing a donné son âme au diable de Chine continentale, Edmond Pang oublie d'être cinéaste pour la déconne, et les comédies nulles envahissent comme chaque année Hong Kong.

Merci, Drug War, pour ce passage de grisaille!
XavierChan
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le 1 août 2013

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XavierChan

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