Il y'a quelque chose que j'affectionne par dessus tout dans le cinéma de Steven Spielberg : c'est son rapport au danger. Il est peut-être celui qui maitrise le mieux la question de la survie à travers une fascination pour l'objet "monstre" qui peut prendre n'importe quelle forme. Avant les requins, les dinosaures ou les extraterrestres, Duel vient modeler au début des années 70 un monstre sur 4 roues. Une grande course poursuite meurtrière qui troque les dialogues au profit de l'horizon et de la route. Spielberg est à hauteur du béton qui chauffe sous le soleil, exprimant autant de puissance et de tension à filmer la vitesse, qu'à donner une ampleur intimidante à ce jeu des gabaries : la petite voiture moyenne face au puissant et mystérieux camion dont l'inscription « inflammable » à ses arrières révèle toute la dangerosité ! Si Duel peut paraitre parfois plus faiblard que ses successeurs, il y'a dans ce film une véritable volonté de poser les bases. De commencer à construire un monstre dont la véritable peur ne viendrait pas de lui-même ou de sa subite apparition, mais bel et bien de l'attente. Les vibrations d'un verre d'eau dans Jurassic Park, les visions quasi-inexistante du requin des Dents de la mer, ou la patience et le jeu de regard entre un automobiliste et un camion, tel un nouveau final sorti du cinéma de Leone ou Hawks. Si Spielberg aime la confrontation et l'action, il n'oublie pas néanmoins ce sentiment horrifique de calme avant la tempête. C'est cette tension qui nait de l'attente, lorsque le danger peut surgir de n'importe où.