Spielberg s'amuse avec son personnage comme il s'amuse avec sa caméra dans ce film sobre, relativement lent, loin de la frénésie des attaques de requins de ce qui sera son prochain film.
Il s'amuse d'ailleurs tout autant avec le spectateur en le faisant quelque peu cogiter (à l'instar du personnage encore une fois) sur l'identité et surtout les raisons, les intentions de ce maléfique routier.
En s'intéressant davantage à la psychologie et au comportement de notre "victime" d'un jour, le réalisateur s'éloigne du grand spectacle, qu'il est certes difficile de mettre en avant avec seulement une vieille voiture et un gros camion rouillé.
Ce camion reste toutefois la star du film et l'on s'étonne de le voir prendre de l'importance et se positionner presque comme un personnage de l'histoire. Cela ne tient pas seulement à l'absence du conducteur à l'écran mais plutôt à son côté imposant, rutilant et à son aspect de vieille carcasse qui a déjà avalé des milliers et des milliers de kilomètres.
La prestation de Dennis Weaver ne passe pas non plus inaperçue, l'acteur jouant très juste, avec des regards inquiets voir angoissé, une gestuelle remplie d'hésitations et de frustration ; bref une palette de jeu d'acteur.
Malgré les qualités indéniables de l'interprétation et l'originalité du sujet, on pourra éprouver quand même une certaine lassitude due justement à ce scénario limité et peu prodigue en révélations. Ce n'est pas vraiment un reproche imputable au réalisateur, car il est difficile de filmer pendant plus d'une heure un camion qui bloque le passage et une voiture tentant désespérément de le doubler, mais il est vrai que même si Spielberg a tenté d'étoffer et de diversifier la chose (avec la scène du bar notamment), voir ce duel de vieilles carcasses de prolonger finit pas être redondant.
Il faut ajouter à ce sentiment de lassitude le fait que les musiques soient absentes pendant une grande partie du film, et décevantes lorsque enfin elles font leur apparition.
Mais on retiendra au final de ce Duel toute la qualité de réalisation avec une caméra tantôt audacieuse et virevoltante (autour des deux véhicules notamment), tantôt posée et fixe pour accompagner les interrogations du personnage et faire grimper la tension ; ainsi qu'une interprétation parfaite et une belle ambiance se dégageant de cet affrontement mécanique.
Plutôt intéressant pour un premier film, et surtout bien au-dessus de ses derniers longs-métrages qui ont baissé en qualité et ont pu décevoir beaucoup de monde.