A l'attention de ceux qui n'ont pas vu le film, je vous conseillerai de ne pas lire ce qui suit. Je vais en effet spoiler sévère et ne parler que d'éléments du film qu'il vaut mieux pas ignorer pour apprécier pleinement le long-métrage.


On est donc tous d'accord. Ça nous fait tous penser à « Groundhog Day » (Un jour sans fin en VF) de par le principe que Tom Cruise se réveille au même moment, le même jour au même endroit. En cela, on pourrait quand même pinailler sur le fait que si Phil (Bill Murray) était coincé le même jour entre 6h du mat et minuit, Tom Cruise peut aller plus loin dans le temps, le reboot ne se faisant que lorsqu'il meurt. On peut même aller plus loin et dire que ça fait penser à « Saving Private Ryan » (débarquement, plage de Normandie, toussa). Oui, si on veut, on peut s'amuser à trouver pleins de similitudes entre « Edge of Tomorrow » et d'autres films. On est bien obligé également de préciser qu'on n'est pas con, on a grillé que ça nous rappelle aussi un principe de jeu vidéo : on évolue, on meurt, puis on recommence avec le savoir nécessaire pour poursuivre en évitant les pièges du jeu. Je suis allée voir « Edge of Tomorrow » avec mon très cher Docteur et nos avis ont divergé sur bien des points. Cela m'a permis de me poser pas mal de questions. Les voici, avec mes interprétations et mes avis.


Mais pourquoi le General Brigham s'en prend-il à Cage ?
Envoyer un mec qui n'a jamais combattu sur le champs de bataille, c'est un peu surréaliste. Qu'a-t-il pu bien se passer dans la tête du général Brigham pour qu'il envoie Cage au casse-pipe ? Et bien repassons-nous la scène où le général Brigham rencontre Cage pour la première fois. Brigham l'informe qu'en tant que chargé de communication, Cage devra faire en sorte de montrer les soldats qui se sacrifient pour sauver l'humanité des Mimics, histoire de montrer qu'en fait, ils envoient pas des soldats mourir comme des merdes, qu'ils se battent, qu'ils sont des héros. Pour ce faire, Cage n'aura qu'à aller dans des zones maitrisées. Le danger sera minime et il pourra filmer de chouettes plans pour promouvoir l'armée. Mais le major Cage refuse. Il explique qu'il n'a jamais combattu, qu'il porte un haut grade dans l'armée car il a bénéficié d'une bourse, qu'il s'est engagé uniquement pour faire de la communication, justement pour être loin des champs de bataille. Cage avoue qu'il ne mérite pas son grade. Brigham doit surement l'avoir mauvaise, lui qui envoie des gens se faire massacrer tous les jours dans l'espoir de gagner du terrain contre l'envahisseur, est désormais face à un pétochard qui frémit à l'idée de voir une goutte de sang. Si je n'excuse pas ce coup de colère, je peux comprendre que l'homme ait décidé de montrer à Cage les réalités de la guerre et ce qu'il faille endurer pour mériter le grade qu'il a obtenu en faisant le malin. La réalité de Cage n'est pas du tout celle du général Brigham. Brigham entend bien remédier à ça, par la force s'il le faut.


La présentation des personnages
Il faut bien l'admettre, on ne sait pas grand chose de Cage et de Vrataski. Cage est un planqué dans l'armée payé à faire de la communication. Vrataski est un soldat qui incarne l'espoir et la victoire des Humains face aux Mimics. C'est tout. Cage incarne, à mon avis, n'importe quel connard lambda de notre réalité. Je m'explique. Imagine qu'une guerre éclate et que, comme la grosse majorité de ta génération, t'aie pas envie de te voir recruter pour devenir de la chair à canon, qu'est-ce que tu fais ? Tu tenterais pas tout pour garder tes fesses intactes en tentant de gruger ? Et je pense qu'à la base, Cage, c'est toi, c'est moi, c'est n'importe lequel d'entre nous, qui connaît la guerre de ce qu'on en a appris à l'école, de ce qu'on en a vu à la télé, de ce que nous en a raconté nos aînés. Et la guerre, pardon, mais c'est pas vraiment un plan de carrière pour nous, on est d'accord. Certes, y'a les gens qui s'engagent mais franchement, vous êtes 3 à passer sur ce blog, tu vas pas me dire que sur 3 égarés, y'a un mec qui a été faire la guerre au Mali. Donc je disais, on est tous des putains de planqués en puissance, on a juste de la chance que la 3ème vraie putain de guerre mondiale ait pas éclatée, sinon, on passerait bien pour des cons, comme Cage. Pour Vrataski, que sait-on ? C'est une jeune femme bad-ass. Est-elle devenue bad-ass suite à son expérience avec les Mimics ou l'était-elle avant ? On ne sait pas. Si on peut supposer qu'elle s'est engagé dans l'armée et qu'elle était une vraie bad-ass de base, on ne peut que le supposer. En tous cas, elle ne laisse rien paraître. Elle n'a peur de rien, pas même de mourir. Elle est prête à tout, même à se sacrifier pour que la guerre prenne fin. A côté, notre major Cage passe pour une enfant de 3 ans qui chiale parce que « le micro-onde a mangé son goûter ».


La relation entre William Cage et Rita Vrataski
Pas étonnant que, jusqu'à la fin, Cage soit hésitant vis à vis de Vrataski. On ne peut imagine le respect qu'elle doit lui inspirer. Il ne s'agit pas d'amour, juste de respect. Il sait qu'elle est passée par là où lui est passé. Il la voit mourir maintes et maintes fois, ça l'attriste parce qu'au final, cette femme a beau l'avoir abattu de sang froid des milliers de fois, elle reste néanmoins son mentor et son guide, tout au long de sa mission. Elle l'accompagne jusqu'au bout. Elle est la plus déterminée du duo. Elle est sa force dans ce chaos alors qu'elle n'a eu personne à sa mesure (qui ait vécu la même chose) pour l'aider. Parlons du moment où il part en solo affronter l'Omega (le fameux guet-apens). Il part pour tenter de lui éviter de mourir, sauf qu'il sait que s'il tue l'Omega sans elle, si elle ne meurt pas à ses côtés, elle meurt quand même sur la plage comme il en a été témoin lors de son premier débarquement. A quoi bon y aller ? Mais en désespoir de cause, si elle doit mourir, autant qu'il ne la voie pas, autant qu'il aille lui même affronter l'Omega et voir de quoi il retourne.


Le fameux baiser
Ah, ce fameux baiser ! Il m'a mis assez mal à l'aise parce qu'il n'a pas lieu d'être. Concrètement, Vrataski ne connaît Cage que depuis quelques heures. Ce n'est pas un baiser avec des phéromones, de l'amour, du truc niais dedans. C'est un baiser de remerciement et d'adieu. Vrataski l'a dit, elle souhaite absolument s'occuper elle-même de l'Oméga, elle veut mettre un terme à la guerre. Mais jamais sans Cage, elle ne serait arrivée jusque Paris. Sans lui, elle n'aurait jamais été en mesure d'être aussi proche de lui. Cage, ce mec qu'elle n'avait jamais vu auparavant, débarque devant elle comme une fleur et lui offre ce qui l'avait obsédé depuis des mois, voire des années. Il lui offre son salut, le soulagement, l'espoir, enfin, d'accomplir sa mission. Si Cage ne fait pas le premier pas, s'il ne lui porte que des gentilles attentions (« et ton café, c'est avec trois sucres et de la cannelle et tiens, mets un coussin derrière ta tête, tu seras mieux »), c'est surtout parce qu'il sait que chaque jour, elle le tue ou elle meurt. Chaque jour, il apprend à la connaître malgré sa volonté à elle de garder ses distances, de rester concentrée sur la mission. Chaque jour, il doit mourir car d'une manière ou une autre, il est lié à elle. Mais y'a pas de romantisme là-dedans, il n'y a qu'une dynamique entre le novice éternel témoin de la fatalité et la guerrière, obsédée par un but impérieux. On peut, éventuellement, se demander si le fait d'être "coincé" avec elle, ne l'oblige pas à développer des sentiments amoureux pour elle (un peu comme Loana, coincée dans le Loft, a cru qu'avec Jean-Édouard, c'était le big love), pourtant, c'est pas le propos et personnellement, la scène dans le hangar où il refuse de lui filer les clefs de l'hélicoptère, je le vois vraiment comme une tentative désespérée de garder Vrataski en vie plutôt que de vouloir passer une bonne soirée. Une des raisons qui me pousse à penser ça : dès que Vrataski a les clefs, rien à branler de savoir qu'elle n'a aucune chance de s'en sortir vivante, elle fonce dans l'hélico et immanquablement, se fait tuer. Ok, si Cage avait pas voulu faire son niais avec sa cannelle, elle aurait surement pas grillé qu'il la menait en bateau (et pas en hélicoptère). Ce baiser signifie beaucoup de choses et si autant de gens l'ont interprété comme étant un baiser sentimental venant du cœur, ça pue. Ça pue car soit c'était le volonté des scénaristes et ils ont écrit de la merde incohérente, soit ça pue parce que les gens n'ont pas eu les clefs pour comprendre ce que signifiait ce baiser. En tous cas, à mon sens, il n'y a pas de relation amoureuse entre Vrataski et Cage et le baiser que donne Vrataski à Cage est un baiser de clôture. Un baiser que Cage n'aurait pas pu donner à Vrataski parce qu'il lui doit tout, que sans elle, il ne serait rien, et qu'il a beaucoup trop de respect pour elle pour tenter quoi que ce soit. D'ailleurs, je pense que ça n'aurait même pas pu lui traverser l'esprit de faire ce genre de pas vers elle.


L'absence de pathos par rapport à la mort
Cage se réveille et ne semble pas être très perturbé par le fait qu'il vient de mourir. Comparons avec « Groundhog Day » : Phil se réveille également après s'être suicidé ou même avoir été tué maintes et maintes fois. Le fait est que Murray est un journaliste télé doublé d'un connard qui prend la décision de se suicider en désespoir de cause. Cage est un soldat qui doit d'abord faire face à plus incroyable que sa mort : le faire d'être vivant ET de devoir revivre le jour précédent sa mort. Vrataski parle également du fait d'avoir été disséquée (on comprendra qu'elle était encore vivante quand c'est arrivé) mais ne s’apitoie pas pour autant sur son sort. Pourquoi ? Parce que c'est un soldat, qu'avoir eu plusieurs mois à revivre la même journée, lui aura certainement permis également d'avoir du temps pour digérer et tourner la page sur cet évènement traumatisant, Cage n'a pas non plus des masses de temps pour préparer le débarquement du lendemain et également Cage et Vrataski ne sont pas potes. Y'a aucun moment justifiable où Vrataski aurait envie de se coller dans les bras de Cage pour pleurer sur sa vie. Vrataski, on le voit dès le début, est prête à tout (même et surtout à se sacrifier) pour gagner, pour tuer l'Omega, pour remporter la guerre, elle n'a pas que ça à foutre de jouer les pleureuses. Pour Cage, c'est pareil : pas le temps de souffler : il se réveille, se prend des bottes dans le bide, servies avec quelques insultes, il est conduit immédiatement dans son unité et après, il n'a même pas le temps de pisser qu'il se retrouve démembré par une légion de Mimics. Mais surtout, ce n'est pas le propos du film. On s'en fout de passer 10 minutes sur le traumatisme de Cage, on s'en branle mais sévère ! Comment va-t-il réussir à se sortir de cette situation pour laquelle il n'est absolument pas préparer ?


La fin
Putain mais cette fin. Le film aurait du s'arrêter lorsque l'Omega mourrait. Pourquoi l'Omega a-t-il le même sang que l'Alpha (c'est complètement con, du coup, c'est sûr que si le machin meurt dans la flotte, son sang peut transmettre ses pouvoirs à qui l'aurait buter. Pour une espèce suffisamment évoluée pour maitriser le temps, franchement, ils ont merdé quelque part). Pourquoi Cage revient encore plus loin dans son reboot, avant de voir le général Brigham ? Pourquoi lorsqu'il reprend conscience, ce qui se passe chronologiquement après (sur la ligne de temps perçu par lui) se produit avant (l'Omega est détruit le lendemain du jour où il revient en arrière après avoir abattu le gros poulpe) ? Pourquoi on ne pouvait pas juste les laisser mourir après leur acte héroïque ? Du coup, il garde les pouvoirs de l'Omega à vie (tant qu'il fait pas de transfusion) ou est-ce la récompense de fin de jeu après avoir buter le dernier boss ? Non franchement, moi, cette fin, elle me fait chier. Je vais donc partir du principe que Cage a buté l'Omega et voilà, fini, bisous, tu peux sortir de la salle et aller faire pipi.


Je suis quand même curieuse de lire « All You Need Is Kill » (オール ユー ニード イズ キル) pour voir un peu comment l'histoire originale a été adaptée et quelles sont les différences fondamentales qu'il y a entre les deux œuvres.

Miloon
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le 16 juin 2014

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