Non content d'être un cinéaste mondialement reconnu, Pedro Almodovar est aussi un producteur avisé derrière plusieurs films argentins dont le jubilatoire les Nouveaux Sauvages et El Clan : fascinante plongée dans le quotidien d'une famille de criminels qui est cependant bien loin des canons du genre.
En effet, El Clan évite soigneusement les clichés et l'imagerie propres aux films de mafieux. Pablo Trapero ancre sa péloche dans un contexte historique fort (l'argentine pendant et après la dictature) et privilégie une forme de réalisme brut au détriment du romantisme exacerbé des œuvres du genre.
Ainsi, l'enjeu du film n'est pas tant de traiter de la nature desdites activités criminelles orchestrées par le patriarche, Arquimedes (le génial Guillermo Francella tout en bonhomie feinte et en violence contenue), que de montrer comment le mal fait partie intégrante du quotidien de cette famille (voir ce plan séquence absolument glaçant ou Arquimedes apporte le repas du soir à une de ses victimes).
Dans un décor quasi unique et en jouant habilement sur le hors champ, Trapero crée une atmosphère terriblement dérangeante dans le sens ou il filme des personnages dans le déni total et coupables de complicité passive ou active. Rarement l'horreur aura eu un visage aussi humain sur grand écran...
Dans une démarche proche de celle d'un entomologiste, Trapero se focalise sur ce microcosme composé de protagonistes servis par des acteurs formidables mais dont la caractérisation empêche qu'on s'y attache dans la mesure où aucun n'est vraiment innocent.
C'est là, un des seuls défauts du film qui par ailleurs sous-exploite un peu sa dimension politique.
El Clan est donc un métrage unique de par son approche d'un genre balisé mais qui ne tombe pas dans le piège de la chronique pseudo-réaliste ou du faux documentaire car Trapero n'oublie pas de soigner le suspense de son film qu'il articule autour de l'explosion inévitable de la cellule familiale.
Un film qui se pose donc un nouveau témoignage de l'étonnante vitalité d'un cinéma argentin dont on regrette que les oeuvres ne soient pas plus largement diffusées chez nous.