Adapté d'un roman de Su Tong, Épouses et concubines, dont la forme rappelle sans conteste celle du conte, jouit d'un scénario impeccable et d'une écriture très épurée et assez profonde. A cela il faut ajouter une photographie toute aussi minimaliste, d'un chromatisme symbolique et recherché (aspects qui auront certainement séduit le jury de la Mostra) habillant formellement les saisons et les variations amoureuses.


Au milieu de ce palais clos – une merveille de trouvaille – impossible à localiser spatialement et temporellement se nouent les intrigues les moins attendues et les plus machiavéliques pour le pouvoir, tout féminin, d'être l'aimée, le temps d'une nuit, du maître. Et comme dans le conte, la protagoniste – la troublante Gong Li – se voit accompagnée par des adjuvantes – celles qui ne paraissaient pas l'être – et des opposantes – idem – , comme dans le conte elle sera entourée par un monde d'objets symboliques telles les lanternes, les caches-lanternes, la flûte, les massages aux pieds, … et enfin comme dans le conte elle poursuivra sa quête pour réaliser ses desseins et son désir. Or, ancrée dans un réel matériel plus que merveilleux, l'histoire de la quatrième épouse ne terminera pas comme celle de Cendrillon ou autres princesses élues, car on a beau faire miroiter à la jeune femme rebelle l'accès au pouvoir – à travers une certaine liberté et indépendance, que les études peuvent offrir – celle-ci en étant mariée sera condamnée à ne pouvoir le caresser que le temps d'une nuit, avant qu'il ne lui échappe infailliblement – puisque tout est écrit, comme le dit la servante, à une époque où la libération féminine n'était pas de mise et le patriarcat la loi unique.


Si Zhang Yimou domine ses plans d'extérieurs et cadre parfaitement les intérieurs, il faut reconnaître néanmoins que, par la lenteur de ses mouvements et du développement d'une intrigue moins complexe qu'elle ne l'en a l'air, il surjoue le drame et exhausse artificiellement la force significative de son film. En effet, bien que le rythme indolent des saisons et l'apparente paix de la gynécée puissent justifier ce film tourné presque au ralenti, il n'en demeure pas moins un effet de style évitable ou qu'aurait pu combler une écriture plus resserrée et/ou étoffée.

Marlon_B
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le 24 févr. 2018

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